51. Le Voyage

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La nuit enveloppe la ville d'un manteau sombre. Je me tiens devant le bus, mon sac pesant sur mon épaule, le palpitant qui bats d'une excitation à peine contenue. Le départ pour Seattle marque non seulement le début de la Fashion Week, mais aussi l'instant où je pourrai enfin honorer ma promesse à Eden. Une promesse simple en apparence, mais pourtant si lourde de sens :

Laisse-moi te prouver que je t'aime déjà.

Ces mots résonnent encore en moi, comme un écho incessant.

Je gravis les marches du bus et, en me retournant, je pose mes yeux sur Eden. Ses cheveux, légèrement ébouriffés par la brise nocturne, encadrent son visage où se dessine un sourire timide, fatigué Je m'avance vers elle, saisis sa main et l'aide à monter à bord. Nous nous frayons un chemin jusqu'à deux sièges adjacents, slalomant entre les mannequins qui chantonnent et plaisantent.

Eden s'installe la première côté fenêtre, pour je le sais, être en retrait du groupe.

Le bus s'ébranle doucement, laissant derrière lui les lumières de la ville. Je me tourne vers Eden, dont le profil est baigné par la lueur chancelante des réverbères. Son regard est perdu dans le paysage nocturne, mais je sens une certaine tension dans sa posture.

— À quoi tu penses ? je demande doucement.

Eden tourne la tête vers moi, ses yeux reflètent une profondeur qui m'étonne chaque fois davantage.

— Je réfléchissais à notre parcours, dit-elle. Comment nous sommes passés de deux personnes brisées qui se détestaient à... Ça.

Elle fait un geste vague entre nous.

Je hoche la tête, car je comprends parfaitement ce qu'elle veut dire.

— C'est vrai que notre relation a pris un tournant inattendu, je réponds, surpris par ma propre honnêteté. Parfois, je me demande si je mérite vraiment cette évolution.

Eden fronce les sourcils.

— Pourquoi dis-tu ça, Orion ?

Je prends une profonde inspiration, pesant mes mots.

— J'ai longtemps vécu derrière un masque, Eden. Me montrer vulnérable, m'ouvrir aux autres... ce n'est pas naturel pour moi. J'ai peur de ne pas être à la hauteur de ce que tu attends, tu comprends ?

Elle pose sa main sur la mienne, et son toucher envoie des frissons le long de mon bras.

— C'est justement parce que tu essaies, malgré tes peurs, que tu mérites ça.

Et ses mots me touchent bien plus que je ne l'admettrai jamais...

— Tu as probablement raison, je murmure.

Le voyage se poursuit dans une atmosphère festive, et lève ainsi le poids de nos mots. Camille, inépuisable, lance un karaoké improvisé, entraînant les mannequins de la Downtown Mannequinat Agency dans une interprétation de "Vogue" de Madonna.

Les rires fusent, les anecdotes s'enchaînent.

Puis les conversations se muent en un silence confortable, ponctué par le ronronnement du moteur et le bruissement des conversations étouffées. Les autres passagers sombrent peu à peu dans le sommeil, bercés par le rythme régulier du bus. J'observe Eden qui se love contre la vitre, les paupières lourdes, luttant contre la fatigue.

Alors que les kilomètres s'égrènent, je me laisse emporter par le flot de mes souvenirs.

Je revois notre première rencontre, ce moment où tout a basculé.

Sous l'étoffe de nos âmes [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant