Sous l'étoffe de nos âmes [TERMINÉE]

30. Inanimés, nous sommes

♫ Slow Down - GRAE

Ce matin, c'est le bruit d'une voix aux sonorités chaudes qui me réveille...et me fait me redresser d'un bond.

— Dios mío ! Tes œufs me font bander, mec, et je parle bien de ceux qui me font les yeux doux dans ta poêle...s'exclame l'hispanique à la voix un peu trop étouffée pour sembler réelle.

Je frotte mes yeux du bout des doigts et découvre Orion, en bas de jogging et complètement torse nu, en train de discuter avec Camille que je distingue clairement depuis son téléphone. La peau du petits-fils d'Helen est parsemée de tatouages que je contemple un par un : un serpent dans son cou et sur sa clavicule, des volutes dont je ne distingue pas les détails sur ses bras, un ange déchu sur son omoplate...

— Mi bella, je te vois mater mon pote, tu es dans le cadre... Maintenant si tu veux bien venir me relooker moi plutôt que Gordon Ramsay, je ne dis pas non.

L'humour taquin de Camille perce l'atmosphère, apportant avec lui une légèreté inattendue.

La tension qui habituellement enveloppe mes matinées semble s'évaporer, remplacée par une étrange convivialité. Un sourire nait sur mes lèvres, oubliant pour un instant le poids du regard insistant d'Orion sur moi... et sur la pointe de mes seins, subtilement dessinée sous mon t-shirt gris.

— D'ici, tu n'es qu'un minuscule petit homme, Camille. Et je compte bien ne pas m'approcher davantage !

Je crois le voir esquisser un sourire, puis il ajoute :

— Bon, je vous laisse, les amis. À ce soir !

Et il raccroche. Je reste un instant là, la couverture entre les poings, les yeux rivés sur l'écran. L'alarme de mon réveil me tire de mes songes.

— Camille passe ce soir.

— Est-ce qu'on va parler de la raison qui t'as poussé à me faire venir chez toi ?

Les yeux d'Orion se durcissent. Il pose deux assiettes d'œufs brouillés sur la table, m'invitant tacitement à m'asseoir.

— En fait, tu ne viens pas. Tu emménages avant de te trouver un autre logement.

En cet instant, je crois perdre deux teintes de peau et ma mâchoire en prime. Je tâte mon menton, ma ligne maxillaire, sous son regard troublé.

— Qu'est-ce que tu fou ?

— Je vérifie si ma mâchoire est bien en place. Mais non, elle n'est pas tombée...

Il inspire un grand coup, les paupières closes. Oh oui, respire bien car je rêverai de t'étrangler jusqu'à ce que tu manques d'oxygène, Orion Montgomery !

— Tu comprends bien que te laisser seule, c'est risquer de retrouver ton corps sans vie un beau jour chez ma grand-mère ?

Et Bam. Prends-toi ça dans la gueule, Eden Holloway. Cette fois, j'en suis sûre : au revoir ma jolie mâchoire. Sa remarque me fait bien plus mal que n'importe quelle lame sur ma peau...