Sous l'étoffe de nos âmes [TERMINÉE]

44. Émois et parloir

♫ Woodkid – The Golden Age

Barbelés acérés, miradors impassibles, et grilles de fer forgé s'élèvent majestueusement, semblant se fondre avec l'horizon gris alors que je descends de la voiture. Le centre de détention du comté de Multnomah se dresse devant moi, imposant et menaçant.

Ben Miller, mon nouvel agent assigné par Susan, se tient à mes côtés. Sa présence n'est qu'un autre pion dans le jeu d'échec de Susan, une manœuvre habile pour limiter nos interactions depuis cette nuit fatidique où tout a basculé. Son chantage, son image...

La pression incessante qui pèse sur mes épaules, mon amitié précieuse avec Camille, tout a éclaté en milles et un morceaux acérés depuis ce moment qui n'aurait pas dû arriver.

Cela fait maintenant une semaine que nos chemins ne se sont pas croisés. Kira et moi communiquons par téléphone, mais les mots restent bloqués au fond de ma gorge, au bout de mes doigts tremblants sur l'écran.

Le plus ironique ? Avoir pu confier à Eden ces terribles abus sexuels sans réussir à en parler à quiconque d'autre. Camille avait raison sur un point : nous sommes des miroirs l'un pour l'autre. Alors peut-être, je dis bien peut-être est-il plus facile pour moi de me confier à celle qui me ressemble le plus.

À cette fille déchirée elle aussi.

La lourde porte de métal se referme derrière moi avec un claquement sinistre, résonnant dans le couloir désert.

Autour de moi, les néons blafards clignotent par intermittence, projetant des ombres inquiétantes sur les murs. Le bruit des clés qui s'entrechoquent à la ceinture du gardien qui me guide résonne comme un glas funèbre. Les portes grillagées s'ouvrent et se ferment avec un grincement aigu à mesure que nous nous enfonçons dans les locaux.

Alors que je passe les multiples portes du centre, le poids des événements passés et présents se fait plus lourd, chaque pas résonnant comme un écho de mes dilemmes intérieur.

Ce qui m'a poussé à venir ici ?

C'est elle.

Cette Eden au regard détruit, reflet de mes propres tourments. Cette Eden qui m'a exhorté à faire de ma faiblesse ma plus grande force...

Après plusieurs contrôles de sécurité et une fouille minutieuse, je suis enfin autorisé à entrer dans la salle des visites. Une pièce exiguë, aux murs jaunis par le temps et aux meubles d'acier froid. Les cabines de plexiglas, séparées par des cloisons étroites, ne laissent guère place à l'intimité.

Assis sur une chaise en métal, j'attends les mains moites, le cœur lourd. Lorsque la porte s'ouvre enfin, et que j'aperçois cette silhouette qui m'était autrefois si familière, une vague d'émotion me submerge. Nos regards se croisent à travers la vitre épaisse, et pendant un instant, le monde extérieur semble si loin...