Sous l'étoffe de nos âmes [TERMINÉE]

46. Réparer la bêtise

♫ Bittersuite – Billie Eilish

J'ajuste une dernière fois le châle en laine sur les épaules d'Helen. Le vieux tissu, tricoté par ses soins il y a des années, dégage une odeur familière de lavande et de camphre. Pendant ce temps, Orion charge les derniers cartons dans le coffre de la voiture. Le silence pèse lourd entre eux, interrompu seulement par le chant des oiseaux et le bruit des pneus sur le bitume.

— Tu es prête, Mamy ? demande Orion, sa voix ne trahissant aucune fébrilité

Helen hoche doucement la tête, ses yeux se perdent dans le jardin qu'elle ne reverra plus : la maison à oiseau suspendue au porche, la terrasse qui aura accueillie autant de cigarettes à Orion que des miennes, le large chêne qui voile une partie de la façade...

— Oui, mon chéri. Il est temps.

Le trajet se fait en grande partie en silence, chacun perdu dans ses pensées. Helen regarde le paysage défiler, chaque arbre et chaque maison lui rappelant sûrement un souvenir d'avant. Orion, concentré sur la route, jette de temps à autre un coup d'œil dans le rétroviseur pour s'assurer que tout va bien.

Mais très vite, on arrive enfin devant la maison médicalisée, un bâtiment moderne entouré de jardins soigneusement entretenus. Le personnel souriant nous accueille, prenant en charge les cartons et montrant le chemin vers la chambre d'Helen. Orion serre la main de sa grand-mère, sentant sans doute sa propre anxiété se refléter dans la légère pression des doigts ridés de l'aïeule.

Helen inspecte la chambre avec un mélange de curiosité et de tristesse. Les murs sont d'un beige neutre, mais Orion et moi avons pris soin de rapporter quelques tableaux et photos pour personnaliser l'espace.

— On a pensé que ces photos te rappelleraient de bons souvenirs, lui dis-je en accrochant une image d'Helen et Orion lors d'un Noël passé.

Helen sourit faiblement.

— Merci, c'est gentil à vous.

On passe encore un peu de temps à arranger la chambre et à discuter avec Helen, essayant de la rassurer sur ce nouveau départ. Helen fait quelques pas vers la fenêtre et regarde dehors, où des résidents se promènent dans le jardin.

— Ça n'a pas l'air si mal, murmure-t-elle.

— Évidemment que ça n'est pas si mal, la rassure-je – et puis, on viendra te voir souvent !

Helen me remercie d'une étreinte chaleureuse.

Orion se lève, et regarde sa grand-mère avec tendresse.

— Je vais aller m'occuper des documents administratifs, dit-il doucement. Je ne serai pas long.

Helen acquiesce d'un léger signe de tête, un sourire fragile sur les lèvres. Orion se tourne vers moi, ses yeux exprimant une gratitude silencieuse.