Sous l'étoffe de nos âmes [TERMINÉE]

19. Urgences

♫ Desire – Meg Myers

Difficile de retenir un soupir de soulagement lorsque la porte battante des toilettes claque derrière Kira et moi. Je pose une main tremblante sur l'évier, et dévale ma silhouette du regard. OK, je l'admets, je fais définitivement peine à voir. Mais tout a dégénéré si vite...je peine à reprendre mes esprit depuis.

Je glisse mes mains sous le jet d'eau froide tandis que Kira sort de son sac une trousse de toilette. Mes pensées virent peu à peu à cet instant, il y a une heure de ça, ou la lame démontée de mon rasoir glissait sur mes avant-bras. Mes paupières se ferment, je soupire. Des semaines à me retenir pour finir par tout gâcher : c'est le même schéma, la pression monte en moi puis fini par déflagrer en même temps que mes veines sous le métal froid. À la maison, j'étais accompagnée, j'étais soutenue. On ne me comprenait pas toujours, il est vrai, mais mes parents ont toujours été là pour moi-même dans les moments les plus délicats.

C'est une fois en colocation avec Aaliyah que les choses ont pris une autre tournure : sa patience et son dévouement pour mon bien-être n'étaient de toute évidence pas sans limite. Ça a causé notre perte, et voilà que je reproduis la même situation ici : et si je n'ai rien à perdre de ma relation tumultueuse avec Orion, j'aurais beaucoup à pleurer si sa colère le poussait à me mettre à la porte de chez Helen. Je frotte mes mains sur mes cuisses pour enlever le surplus d'eau alors que Kira se poste derrière moi, un sourire délicat au bout des lèvres. L'une de ses mains glisse dans mes cheveux tandis que l'autre les brosse doucement avec un peigne.

Helen.

Qui aurait pensé à cette heure si tardive que mes sanglots déchireraient le silence de sa petite maison ? Qu'elle se précipiterait dans les escaliers en tonitruant mon nom ? Et que ce serait le fracas de son corps dans les marches qui m'arracherait de ma transe douloureuse ?

— Elle a basculé dans les marches à cause de sa cheville trop faible. Orion lui a interdit l'étage, mais elle a voulu monter ces marches pour moi...

Je mordille mes lèvres tandis que la brune agite une eau micellaire qu'elle vient appliquer sur mon visage. Ses doigts fins font glisser délicatement le coton le long de ma joue, et j'en profite pour la contempler. Cette fille est somptueusement belle : des pommettes marquées, un joli menton proéminent, de fines lèvres roses...quant à ses traits asiatiques, ils lui confèrent un caractère dans le visage que l'on ne retrouverait chez nul autre.

Je pourrai presque la jalouser, si je ne le fais déjà pas inconsciemment. Ses fêlures ne semblent pas exister derrière ses sourires confiant...tandis que les miennes brillent dans mes iris. Qu'est-ce qui fait qu'elle y arrive, et moi non ?

— Ça n'est pas de ta faute, Eden...tu ne pouvais pas savoir. Et ne laisse personne te faire penser le contraire, pas même Orion. Son statut de petit-fils ne doit pas te laisser oublier que tu es humaine, et qu'il te doit le respect.