Chapitre 67 - Neva

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Je n’ai pas laissé partir Laël et je ne lui ai pas vraiment laissé le choix. Il m’a dit qu’il m’aimait… il m’a dit je t’aime… Je t’aime. Je ne m’y attendais pas et après ses aveux qui m’ont profondément touchée, j’avais égoïstement envie de dormir dans ses bras. J’avais envie de sentir son corps contre le mien, que sa chaleur me réchauffe. Mais j’étais aussi comme paralysée, dans l’incapacité de lui répondre comme si aucun mot n’arrivait à sortir de ma bouche, comme si ces mots-là étaient les plus compliqués à avouer et qu’ils allaient érafler ma langue. Et je crois que ce sont définitivement les plus compliqués à prononcer. J’étais totalement incapable de lui dire ce qu’il rêvait d’entendre mais je souhaitais tout de même le garder près de moi.

Oui, je suis une femme forte mais ça ne signifie pas que je n'ai besoin de personne. Et ce soir-là, l’agression m’avait tout de même chamboulée… cette violence a ravivé mes souffrances passées et j’étais effrayée de faire un énième cauchemar… je n’avais définitivement pas envie de dormir seule. Laël a accepté de rester à mes côtés même si initialement il comptait dormir au salon. Et je peux le comprendre, il était certainement déçu que je ne m’ouvre pas à lui comme il l’a fait.

 « Ne me laisse pas toute seule s’il te plaît… » l’ai-je supplié après notre étreinte alors qu’il souhaitait quitter le lit. Il m’a prise dans ses bras toute la nuit, m’a câlinée, m’a rassurée, a apaisé mes angoisses. Qu’est-ce que j’attends pour me laisser aller avec lui ? Qu’il m’échappe ? J’ai parfois l’impression qu’il est trop bien pour moi.

J’ai vraiment besoin d’avoir les idées claires pour prendre une décision et j’attendrai la fin de ce procès. Moins d’une semaine après la nuit chez Laël, le deuxième jour d’audience a eu lieu et il était presque semblable au premier. Aaron n’a pas croisé mon regard une seule fois. Et je continue de culpabiliser pour ce qu’il a fait pour moi et qu’il continue de faire. Suite aux questions plutôt aiguisées de l’avocat général concernant le collier retrouvé sur les lieux de l’incendie, Archibald est devenu livide et l’audience a une fois de plus été reportée.

J’ai accordé à Dalia un regard désolé mais je fulminais au fond de moi. Son petit manège et ses tentatives d’intimidation m’agace, j’étais obligée d’aller lui en toucher quelques mots. Je devais lui montrer qu’il ne me fait pas peur et qu’il n’a pas le monopole sur les autres. Je n’ai bien sûr pas prévenu Laël que j’allais le confronter sinon il allait immédiatement m’en dissuader, je le connais. Mais j’avais besoin de ça pour me sentir encore maîtresse de la situation. Et je refuse qu’un homme me fasse sentir inférieure ou sans défense car c’est tout le contraire de ce que je suis. Cela peut sembler téméraire au regard de la situation mais je ne veux plus avoir peur. C’est terminé. Je veux lui montrer que moi aussi je sais me défendre si on m’attaque. Je ne suis pas une petite chose fragile.

J’ai croisé les yeux écarquillés d’Aaron qui se demandait certainement quelle mouche m’avait piquée pour arriver à l’improviste alors qu’il s’entretenait avec son client. Mais je suis plutôt fière de mon effet de surprise même si je suppose qu’Aaron va le défendre jusqu’au bout malgré tout. Et ce n’est pas comme s’il avait le choix, Dalia m’a aussi avoué qu’il protégeait son ami Alaric pour des erreurs passées qui lui coûteraient sa carrière… et je me sens encore plus mal à l’idée qu’Aaron porte seul cette responsabilité sur ses épaules. J’imagine qu’il a autant hâte que moi que toute cette procédure judiciaire se termine et que chacun reprenne sa vie.

Aujourd’hui, c’est le troisième et le dernier jour de ce procès mais aussi le plus important. C’est le moment des plaidoiries et du réquisitoire de l’avocat général. De nos plaidoiries. La salle est pleine, les regards sont rivés sur Aaron et moi, c’est comme si mon cœur allait sortir de ma poitrine. Je cherche Aaron du regard pour lui envoyer un peu de force même si nous sommes confrontés l’un à l’autre, j’imagine que ça ne doit pas être simple pour lui. J’attends qu’il tourne son visage vers moi mais il ne le fait pas. Il évite de regarder de mon côté depuis le début de l’audience. Je ne sais pas pourquoi mais son attitude me broie le cœur. Je tourne alors ma tête vers la foule et croise le regard de Laël qui m’adresse un léger sourire avec un signe de tête pour m’encourager. Mon cœur palpite et je lui retourne son sourire. Mes yeux continuent de balayer la foule pour retrouver les yeux pétillants de Noam qui s’est spécialement libéré pour l’occasion car il ne voulait absolument pas rater mon plaidoyer. À ses côtés, Agathe, fraîchement rentrée de son voyage au Japon, m’adresse un sourire puis forme un cœur avec ses doigts en ma direction. Je secoue la tête en souriant. Je me sens tellement chanceuse d’avoir ces personnes à mes côtés. Je prends une profonde inspiration lorsque Dalia pose sa main sur la mienne avant de chuchoter :

Quand le coeur balance...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant