The Wolf On The Loose

61

•

-Alors ? demandait-il en croisant les bras.

     Son regard noir me transperçait et je déglutissais difficilement.

    Je me sentais prise au piège, coincée entre deux monde.
Il était là. Lino était là, devant moi physiquement mais il y avait cette image de lui qui vivait dans ma tête. Elle n'avait jamais disparue et Dieu seul sait combien je voulais m'en défaire par le passé. Cette version de lui était figée dans notre passé et les souvenirs que nous avions pu partager. Cependant, les plus malheureux étaient ceux qui faisaient le plus souvent surface.
    Je m'étais habituée à cette version. Celle dans ma tête. Mais de le revoir devant moi en chair et en os, c'était totalement différent.

    Je n'étais pas prête. Je le savais en partant de la maison ainsi qu'en arrivant devant la porte du Conseil.
Je n'étais pas prête à affronter Lino ni à voir la douleur dans ses yeux. Cette dernière était mêlée à une colère sourde mais également à un soulagement déchirant. Je le voyais parfaitement dans leur noirceur.
    Je le regardais, essayant de déterminer ce qu'il pouvait bien penser. Pensait-il sérieusement que j'allais revenir, comme avant, prête à tout pardonner ? Même si je n'étais pas rancunière par nature, j'avais des limites. Avec tout ce qu'il s'était passé entre nous, j'avais bien peurs qu'elles aient été franchies il y a longtemps.

    Au fond, je comprenais sa réaction. Mais je n'allais pas la justifier. Avant ma supposée « mort », il ne fallait pas oublier que Lino avait disparu pendant des mois. Il m'avait abandonnée, littéralement. Mes démons me dévoraient sans pitié alors que moi, je tentais de me guérir seule. Aucun soutien. Pas un mot. Rien.
Il n'avait même pas eu la décence d'être présent. Même si ça avait pu être difficile pour lui, nous aurions surmontés ça ensemble. Mais lui avait préféré me laisser comme un chiot abandonné au bord de la route.

    Comment pouvait-il croire que je lui devais encore quelque chose ?
Était-ce ma disparition qui lui avait fait un électrochoc ? S'était-il réveillé un matin avec le soudain besoin de me voir ? Mon cœur saignait rien que d'y penser.
    C'était trop tard pour effacer le passé.

    Je serrais les poins, mes ongles s'enfonçant dans mes paumes jusqu'a en ressentir une légère douleur. Elle m'aidait à garder les pieds sur Terre. À ne pas me laisser hypnotiser par ses yeux onyx.
Cependant, même si la douleur me ramenait à la réalité, c'est comme si mon esprit me jouait des tours. Il vacillait, me laissant tiraillée entre ce j'avais laissé derrière et moi et ce que j'étais obligée d'affronter dans le présent.

    Mais encore une fois, il n'y avait pas de retour possible.

-Qu'est-ce qui te fait croire que je te dois des explications ?

    Ma voix était plus froide que ce que j'avais voulu mais elle avait au final l'effet escompté.
Il écarquillait les yeux et ses sourcils se haussaient si haut sur son font que des plis s'y creusaient.

-Pardon ? répondait-il, incrédule.

    Il pouvait être choqué autant qu'il le voulait. Je n'étais plus là Serafina d'il y a quelques mois. Et ça, il fallait qu'il le comprenne.
Je soupirai lourdement, sentant la tension entre nous monter d'un cran.

-Si tu avais attendu comme tout le monde, tu aurais eu des explications chez Gemma. Plus tard. Tu n'es pas plus privilégié que les autres, Lino, ajoutai-je.

-On est fiancés, Serafina.

    Pensait-il que ça lui donnait tous les droits ?
Sa voix était dure, presque désespérée. C'est comme s'il cherchait à me rappeler cette réalité alors que moi, je cherchais à tout prix à m'en défaire.
Je me figeai, la mâchoire serrée.