Nous marchons depuis maintenant plusieurs heures. Okino n'est toujours pas revenu, je commence à penser qu'il nous a quittés ou qu'il est mort. Quoique je pencherais plus pour la première hypothèse, ce n'est pas la première fois qu'il disparaît sans raison.
Devant nous, la route se déroule jusqu'à l'horizon. La terre meuble et encore humide s'enfonce sous le poids de mes bottes en émettant un désagréable bruit de succion à chaque pas. À côté de moi, Kamahël est toujours absorbé par son chat, il n'a pas encore compris que je n'étais pas sérieuse en voulant l'appeler "Little-Neïss" mais ça ne l'empêche pas de s'être attaché extrêmement vite au chaton. Moi-même, qui n'aie pourtant jamais eu un faible pour les animaux, dois avouer que cette petite boule de poils gris et ronronnant me donne envie d'enfouir ma tête dans son pelage et de voir un bref instant toutes peurs balayées par le battement d'un petit coeur chaud.
Inu, Okino, et maintenant ce chat. Depuis l'explosion de Solaris, j'ai de plus en plus l'impression de voyager dans un rêve, ou dans un de ces contes peuplés d'êtres étranges et merveilleux. Je perds mes repères. Riasc m'avait raconté un soir comment certains soldats revenaient à moitié fous de batailles contre des chimères, des couvains ou des meutes de goules au fin fond des marécages. Quand j'étais petite, rien que les entendre me terrifiait. Maintenant, j'ai vu tout un peuple mourir dans mes bras, serais-je en train de devenir folle moi aussi ?
Kamahël me tire de sa rêverie en me donnant un petit coup de coude. Je lève les yeux, et au loin, j'aperçois les premières maisons de Camor.