Chapitre II

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    —    Arrête ça espèce de !... Espèce de pervers !... Dis-je en me débattant.

Joshua, Jonas et Harry sortent tous trois leurs portables et filment la scène. Je me débats du mieux que je peux, mais Matt est un quaterback de renom au lycée, j'essaie en sachant que je ne peux rien contre lui... Je ne peux rien contre un homme de plus de vingt kilos de plus que moi, qui me maîtrise d'une main, et qui est déterminé à faire de moi ce qu'il veut. Je ne peux rien... humainement parlant. Mais j'ai peur de ce que je peux causer en dehors de ces limites. Je veux qu'il arrête, mais je ne veux pas le tuer...
    Matt passe alors sa main sous mon tee-shirt, et m'embrasse salement dans le cou... Je ferme les yeux... Je ne peux pas me laisser faire, je ne peux pas me laisser faire... ! Mais je ne peux pas le tuer ! Ma vie sera pire ! Je m'étais interdit de m'en servir encore avec ce que ça a provoqué, mais si je ne fais rien... cet enfoiré va abuser de moi ! Réfléchis Mana, réfléchis !... Il faut que je me contrôle... Il ne faut pas que je l'exerce sur lui directement... Il me faut quelque chose, quelque chose à utiliser...

—    Hé, Jonas, regarde ça. Dit Harry à celui-ci.

—    Quoi ?

Matt crie de douleur d'un coup, et tombe sur le côté, en même temps qu'une grosse pierre ensanglantée. Celle que j'ai réussi à faire bouger par le biais de mes pensées. Matt se roule à terre en se tenant la tête, et j'en profite pour m'échapper vers la forêt, les trois garçons me bloquant l'accès vers chez moi.

—    Rattrapez-la ! Ordonne Matt. Si elle nous dénonce on est foutus !

Je cours aussi vite que je peux, avec ces trois malades à ma poursuite. Mon souffle se transforme en buée dans l'air, qui se rafraîchit étrangement. Mais sur le coup, je n'y pense pas. Trop paniquée, je cherche juste à fuir. Fuir le plus loin possible, le plus profondément dans la forêt noire, là où ils ne pourront pas me trouver. Alors je m'y enfonce de plus en plus, les garçons perdent du terrain, car je ne distingue plus que leurs silhouettes. Je ricane doucement...

—    Je vous avais dis que je trouverais un moyen de m'échapper, dis-je essoufflée.

Je ralentis un peu l'allure, jusqu'à trottiner. En regardant une dernière fois derrière moi, je ne fais pas attention et me prends les pieds dans une racine. Je chute à terre et dévale toute la longueur d'un fossé...
    Je me relève difficilement, ôte les feuilles brunes et humides de mes cheveux, et frotte mes genoux plein de terre. Lorsque je lève les yeux pour évaluer la profondeur de ce fossé, j'ai l'impression d'avoir dévalé une falaise. La nuit n'aide sûrement pas ma vision. Ni mon corps à se réchauffer, d'ailleurs... Je commence réellement à avoir froid, j'ai l'impression qu'il fait moins dix degrés ici-bas... En même temps quelle idée de sortir à minuit passé en plein hiver, bien joué Mana... !
    Je tente le tout pour le tout, et tente d'escalader la pente. Bien-sûr, je ne fais pas trois pas que je glisse sur les feuilles et la terre. C'est trop abrupt, je n'ai rien pour me tenir ou me hisser, je ne vois rien, je ne fais que glisser. Je décide donc d'abandonner et me retourne en scrutant les alentours... Il doit bien y avoir un endroit où la pente est moins raide, après tout, tout ce qui descend finit toujours par remonter.
    Je frictionne mes bras et avance un peu en grelottant. L'ambiance est glauque ici, une brume effrayante s'écoule le long des parois de terre de ce trou. Elles s'entrelacent dans les racines des arbres pour donner un aspect à la fois fantastique et horrifique à ce paysage. J'ai l'impression d'être le personnage principal d'un film d'épouvante... Rien qui ne soit rassurant.
    Au bout de cinq minutes environ, l'air devient de plus en plus froid, j'en suis presque pétrifiée. Tout mon corps grelotte, mes doigts que je vois à peine à la lumière de la lune se rapprochent plus d'un violet pâle que d'un beige normal. C'est comme si... plus je m'avançais, plus la température chutait. La brume qui m'entoure maintenant y est sûrement pour quelque chose.
    J'arrive à des ruines inquiétantes. Je vis ici depuis dix ans, je me suis promenée dans cette forêt des centaines de fois, pourtant je n'ai jamais vu ces ruines auparavant. Elles ont l'air extrêmement vieilles en tout cas... On dirait des piliers grecs... Qu'est-ce que ça peut bien être ? Un sanctuaire ou quelque chose comme ça ? Pour une sorte de divinité, par exemple ? Mais les dieux, c'est beau et majestueux, ça ne vit pas plutôt dans de somptueux châteaux, entourés de jardins verdoyants et tout ce qui va avec ? Là... À cet endroit, il n'y a aucune végétation. Les arbres sont noirs, comme brûlés, et il n'y a aucun vent. Tout semble mort, tout est silencieux, et tellement froid... tellement glacé.
    Je m'avance prudemment vers les ruines, et observe les alentours. Au moins une chose est sûre, ces cinglés ne m'ont pas suivie. Je les ai perdu de vue depuis un moment, et, même si ça ne me rassure pas plus, je n'ai entendu absolument aucun bruit. Pas le moindre... animal. Pourtant une forêt, c'est tout aussi vivant qu'un homme...
    Un bâtiment à moitié détruit se présente alors devant moi. Un grand panthéon abîmé, avec gravé dans la pierre une écriture étrange, en latin je crois. La traduction se trouve juste au-dessous : « Cecidit Angelus ».
    Il y a le mot « ange » dedans non ? Drôle d'endroit, pour un ange. Je pourrais y rentrer et me faire un feu pour me réchauffer en attendant de repartir. Je suis gelée jusqu'aux os et si jamais Matt et sa troupe m'ont suivie, ils ne verront pas la lueur du feu là-dedans. Enfin, j'espère...
    En entrant dans le bâtiment abandonné, je remarque le bazar monstre qu'il y a dedans. Les pierres se sont écroulées, les piliers aussi... Il reste une majeure partie du plafond, mais je me demande comment ce panthéon tient encore debout.
    Je vais chercher du bois mort dehors, qui ne soit pas trop humide, et retourne dans le bâtiment. Là, je me trouve un endroit où je m'adosse à un pilier tombé, et allume un feu avec mon briquet. Du moins, je tente... Car à part quelques étincelles, il ne semble pas vouloir donner plus du sien...
    Et après maintes tentatives, rien. Des sanglots nouent ma gorge, je commence vraiment à craquer... ! Je balance le briquet à l'autre bout de la pièce et enfouis ma tête dans mes genoux... Je ne veux pas pleurer, je sais que c'est un signe de faiblesse, je m'en suis convaincu il y a longtemps, mais... Ma vie est juste trop compliquée en ce moment...!
    Je me mets alors à pleurer à chaudes larmes, mon visage caché dans mes genoux... Mais à croire que je n'ai même pas le droit à ce moment de faiblesse non plus, car j'entends un bruit tout près de moi. Comme une chose que l'on aurait lancé.
    Je me relève en vitesse et scrute les alentours. Rien. Je regarde à terre, et vois alors mon briquet, que je viens tout juste de jeter à plusieurs mètres. Je pense tout de suite à ces cinglés.

—    Dégage Matt ! Tu ne crois pas que tu m'as fais assez de mal comme ça ?

Je n'obtiens aucune réponse, ce qui a le don de me mettre en rogne. Je vais lui faire regretter à celui-là ! À lui et à ses chiens de compagnie !

Cecidit AngelusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant