Cecidit Angelus

XLI

Mana

Je ris à une énième anecdote d'Isaac sur son enfance. Bon sang, celui-là... il en a vraiment fait voir de toutes les couleurs à son père ! Mais de ce que m'a raconté Alaric à son sujet, je ne peux que me dire que c'est bien fait pour lui.

— Alaric et toi ne le portiez vraiment pas dans votre cœur, hein ? Confirmai-je en essuyant une larme de mes yeux.

— Je ne sais pas vraiment si Alaric lui a porté de l'amour... avoue alors Isaac en regardant vers le haut, comme s'il allait y trouver la réponse. On n'en a jamais vraiment discuté, lui et moi. Notre père est un sujet assez tabou. Il va sans dire qu'il était mauvais, mais Alaric a toujours été respectueux, en tant que « père et fils », tu vois ?

— Oui, je vois, souriai-je. C'est bien-sûr complètement différent, mais je m'assimile un peu à cela aussi. J'aime mes parents, mais j'étais très jeune quand Marie est décédée. Et c'est depuis son décès qu'ils ont établit une... distance de sécurité, je dirais, avec moi. Une distance s'est creusée, quelle qu'elle soit. Donc je ne crois pas avoir vraiment connu d'amour de leur part... Avant l'accident, peut-être, mais après... on était plutôt comme une colocation, qu'une famille... On s'entendait bien et on étaient courtois, mais... Je me souviens que pendant longtemps, riai-je alors en me remémorant mon passé, j'ai été convaincue que je n'étais pas leur fille, mais celle d'un magicien qui m'avait abandonnée sur le bas-côté de leur porte ! Après tout, mes parents et moi ne nous ressemblons pas vraiment, ce sont deux têtes blondes aux yeux marrons !

— Et si c'était vrai ? Dit alors Isaac, d'un ton curieusement sérieux. Je veux dire, se reprend-t-il, imaginons... que tu sois l'enfant de quelqu'un d'autre, comment réagirais-tu ?

Je le regarde perplexe et je ris de nouveau, avec un brin de moquerie. Qu'est-ce qui lui prend tout à coup, à être si rigide ?

— Tu te paies ma tête ! Rigolai-je. En vrai, je ne sais pas ! Je pensais ça quand j'avais neuf ou dix ans peut-être.

— Mais imaginons simplement ! Imagine que tes parents... ne soient pas ceux que tu as toujours cru, et que l'un d'eux est quelqu'un de très mauvais. Aimerais-tu le savoir, qu'on te le dise ? Où préférerais-tu plutôt rester dans le secret ?!

Son entrain m'interroge. Il semble tout à fait sérieux alors que la question ne l'est absolument pas, ce qui me laisse un peu pantois...

— Tu es bien bizarre, tout à coup, assurai-je. Je ne sais pas... C'est délicat comme question. Comme si l'on m'apprenait que ma mère était une serial killer ou quelque chose comme ça, et qu'elle était en prison à perpétuité ? Métaphorai-je.

— Je ne suis pas certain de savoir ce qu'est un « serial killer », dit Isaac, mais, dans l'idée... oui, je crois que cela fonctionne, vois-le comme tu le désire...

— C'est vraiment une question que je ne me suis jamais posée... confirmai-je. Je crois que j'aimerais savoir que mes parents ne sont pas mes vrais parents, mais connaître l'identité des biologiques, c'est une autre question...

Je me plonge dans une sérieuse réflexion, pesant les pour et les contre, tandis qu'Isaac semble impatient de ma réponse. Son air sérieux ne me quitte pas, tandis que je fixe le sol.
Je hausse finalement des épaules :

— Je ne préférerais pas savoir... au début ! Répondis-je. En fait, me connaissant, je crois que j'aurais besoin de temps pour d'abord assimiler l'information sur mes parents adoptifs. Puis, quand je me sentirai prête, je chercherai sûrement à savoir, oui... curieuse comme je suis.

Isaac me sourit alors, et se saisit de mes hanches pour rapprocher mon corps du sien. Entre ses jambes repliés, je m'adosse à lui comme le plus confortable des oreillers.
Je relève alors le visage vers son menton :