Chapitre III

8.4K 625 44
                                    

    —    Matt ! Sors de là, toi et tes potes ! Criais-je.

Mais toujours rien. Ils se foutent de moi !...

    D'un pas décidé, je sors du bâtiment et scrute les alentours. Mais il n'y a rien, comme tout à l'heure, aucun bruit, aucun vent. Alors j'abandonne... Peut-être que... que j'ai rêvé, peut-être que c'est moi qui ai ramené ce briquet à mes pieds... Après tout, de quoi suis-je vraiment capable...
    Je retourne à mon endroit et me rassieds tranquillement. Intuitivement alors, je tente à nouveau d'allumer le bois que j'ai ramassé, à l'aide de ce fichu briquet. Contre toute attente, il émet une flamme dès le premier essai. J'allume vite les morceaux de bois et pousse un soupir d'aise, enfin...

    Je reste un moment près du feu, le temps de bien me réchauffer. Le crépitement des flammes et la chaleur me font tellement de bien que je fais l'erreur de m'allonger un instant. Je ferme les yeux, et me laisse bercer malgré moi par le son des flammes...

* * * *

    Une douce et fraîche brise me caresse le visage... Du moins... Je crois ? On dirait des doigts... Est-ce que c'est un rêve ? Ça semble tellement réel, pourtant... J'ouvre doucement les yeux sur les ruines illuminées par une lumière orangée. De faibles rayons de soleil traversent le panthéon et parviennent à mon visage. L'aube. C'est l'aube... Bon sang, je me suis endormie ici !
     Les faibles étincelles brûlant encore me confirment que j'ai passé la nuit dans ce panthéon plus que glauque, mais dans tous les cas, moi qui ne se réveille jamais à l'heure que je le voudrais, là, c'est parfait ! Je peux rentrer en toute sécurité, et surtout avant que mes parents ne se réveillent !
    C'est alors que je remarque quelque chose d'anormal. Une fleur est posée, là, juste à mes côtés. Une fleur mélangeant le bleu foncé, le blanc et le violet, parfaitement éclose, malgré la saison... Je la saisis entre mes doigts, et la porte à mes narines. Elle est aussi jolie qu'elle sent bon... Intuitivement, je regarde les alentours, mais rien ne me donne de raison à la présence de cette fleur. Alors sans réfléchir, je la garde et file chez moi.

    Une bonne demi-heure plus tard, je remonte la gouttière et passe par la fenêtre de ma chambre. Mes parents ne devraient pas tarder à se lever, c'était vraiment moins une. J'ai finis par retrousser chemin et trouver une paroi rocheuse qui puisse être escaladée, mais je ne pensais pas m'être autant éloignée du quartier. Ni que cette forêt était si grande d'ailleurs, moi qui pensais la connaître.
     Avant que le réveil de mes parents ne sonne, je descends discrètement chercher un verre d'eau dans la cuisine et remonte. Je plonge la jolie fleur dans l'eau, et pose le verre sur ma table de chevet. Je m'allonge alors dans mon lit, et me rendort presque instantanément.
    Je me retrouve dans la cuisine. Du moins, je me vois moi, dans la cuisine. Encore petite. Est-ce que c'est... un rêve... ? Pourtant cette situation... me dit quelque chose... Je me trouve sur la table de la cuisine, en train de cuisiner des cookies. J'ai l'impression... Oui, j'ai déjà vécu cette scène. C'est un souvenir, et si je me rappelle bien, à ce moment, elle apparaît...

—    Magiemana ? M'interpelle Marie, ma sœur.

Les souvenirs de ce moment sont encore bien trop clairs après toutes ces années... Mais dans ce rêve, mystérieusement, c'est pire. Là j'entends parfaitement nos deux voix, la mienne qui lui dit d'arrêter de m'appeler par ce surnom que je détestais... Je nous vois parfaitement toutes les deux, et elle qui me provoque en me frappant de toutes parts. Je l'ignore, mais en moi je sais... que la colère boue... Et devient de moins en moins maîtrisable. Je vois son jeu, encore, elle y a toujours joué... La provocation. Mais cette fois-ci, je n'ai pas su. Je n'ai pas su me contrôler. Je me souviens encore de la manière dont ça a tourné... De la rage et du chagrin qui prennent le dessus sur moi... Je vois Marie se faire projeter contre le mur par une force invisible que je ne contrôle pas. Je revois encore sa tête se cogner contre le verre du cadre photo... J'entends l'éclat, les bouts de verre qui tombent à terre... Je la distingue encore voler à travers la pièce, dans tous les sens... Et j'entends ce bruit assourdissant de Marie qui se brise la nuque contre la table... La sirène de l'ambulance, de la police... Les hurlements de ma mère, les sanglots de mon père... Tout ça... par ma faute...
    Et soudainement, en l'espace d'une seconde, je vois un fond blanc et distingue une silhouette humaine avec des ailes. J'entends seulement un « reviens », avant de me réveiller en sursaut, transpirante. J'écarte des mèches brunes de mon visage, et tente de calmer mon esprit affolé. Ce rêve, ou cauchemars je n'en sais rien, m'a totalement retournée...
    Je vais dans la salle de bain et me regarde dans le miroir. Mes yeux sont un peu rouges : la fatigue sans doute. Je ne dors plus tellement avec toutes ces histoires au lycée. J'ouvre le placard du miroir et prends du gel douche. Lorsque je ferme le petit placard, un homme se tient derrière moi, dans le reflet du miroir. Un homme avec des ailes.
    Je sursaute et mon gel douche m'échappe des mains. Je me retourne brusquement mais l'homme n'est plus là. Je regarde encore dans le miroir... Il se tient toujours derrière moi...! Mais il n'y a rien pourtant ! L'être ailé s'avance vers moi et me tend une fleur. Une fleur bleue foncé, violette et blanche, au parfum agréable.

—    Reviens s'il te plaît. Me dit-il, inexpressif.

Je me réveille brusquement. Je... je ne comprends pas trop ce qu'il m'est arrivé. Pour ne pas dire pas du tout. Comment pourrais-je appeler ça ? Un rêve dans un rêve ?... Inception... ?
    Je regarde la fleur... et soupire. Peut-être que j'ai vraiment finis hantée à cause de ces ruines glauques. Ou peut-être que c'est cette fleur qui l'est. Que sais-je...
    Je me lève, un peu chamboulée... Je me dirige dans la salle de bain, et barbouille mon visage d'eau. Je relève mon visage, mais pas entièrement. Et si il y avait l'homme dans le miroir... ? On ne sait jamais si un rêve dans un rêve, dans un rêve existe... Je me pince pour en être certaine. Mais à part une douleur, rien de particulier ne se passe.
    J'insulte intérieurement ma bêtise et soupire pour la seconde fois... J'ouvre le placard du miroir... Mais le referme aussitôt. Pas d'homme. Je prends mon gel douche... et referme vite le placard. Toujours pas d'homme... Je m'attends presque à le revoir dans ma baignoire... Et lorsque je tourne la tête vers cette dernière...

Cecidit AngelusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant