Chapitre XXI

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     — C'est tout Lilith, entrais-je dans la pièce, Satan est rentré. Je prends le relais.

— Des nouvelles de Zerch ?... Demande-t-elle d'une petite voix.

— Non... Toujours point... Les gardes auxquels j'ai demandé de fouiller la ville de fond en comble sont revenus bredouilles... Et je n'ai pas la légitimité de Satan pour exiger davantage. Je te promets que dès qu'Alaric et Mana seront hors de danger, je le chercherai partout. En attendant, n'hésite pas à solliciter Satan afin qu'il mobilise des gardes en vue de le retrouver.

— Oui...

Elle repart, tête baissée, plus peinée que jamais. La voir ainsi me sert férocement le cœur, elle, d'habitude si enjouée, enthousiaste, toujours à rire et prête à festoyer. Elle, qui ne s'éloigne jamais à plus de cinq mètres de l'homme avec qui elle partage sa vie depuis près de deux cents ans... Je n'ose imaginer dans quel état je serais à sa place... Voir Mana endormie, sans savoir si le souffle qu'elle pousse sera le dernier, suffit déjà à me faire perdre mes moyens ; alors être dans le flou total... Ne pas être à ses côtés... Je ne saurais le supporter.
     Je m'agenouille à son chevet, pour la énième fois lorsque je viens la voir, et, comme à l'accoutumée, je prends sa main dans les deux miennes. Puis, j'en porte le dos à ma joue, savourant la douceur de sa peau contre mon visage. Je ferme les yeux un instant, m'imaginant qu'elle est là, près de moi, bien éveillée et en bonne santé. Elle caresserait ma joue, son joli sourire étirant ses magnifiques lèvres roses. Des lèvres que je meurs d'envie d'embrasser. Je lui dirais combien elle est belle, ô comme elle est belle...
     Je dépose plusieurs doux baisers sur ses phalanges, sur le bout de ses doigts, et scrute son visage endormi, ses longs cils noirs camouflant des pupilles d'un vert éclatant, presque surnaturel. Ce sont probablement ses yeux qui m'ont marqué en premier chez elle. Un instant, ceux d'Amaymon me reviennent en mémoire, et je trouve cette coïncidence amusante. Bien que ce type ait tout d'un « connard », comme ils disent aujourd'hui.
     Mais alors... en ouvrant les yeux sur ses douces mains... je remarque que les veines de l'extrémité de ses doigts sont devenues grisâtres. La couleur se propage, très lentement, mais elle se propage, et j'ai l'impression que mon cœur lâche aussitôt.
     Je n'ai à peine le temps de réfléchir, que mon corps devance mon esprit. Je déploie mes ailes pour dévaler les escaliers, et me jette presque sur Amaymon et Satan.

— Quoi que tu prévois de faire pour sauver les démons, fais-le maintenant pour Mana ! Ordonnai-je.

— Isaac ! Dit Satan. Que se passe-t-il ?!

— C'est Mana ! Elle est en train de mourir ! Tu dois la sauver ! Affirmai-je en me tournant vers le démon aux yeux verts. Maintenant !

Satan ne tergiverse pas une seconde de plus et se précipite pour rejoindre Mana, tandis qu'Amaymon rejette avec force mes mains enroulées autour de son col.

— Je ne sais pas qui tu es pour Satan pour qu'il te laisse être à ce point impoli, mais je ne suis pas lui. Confirme-t-il d'une voix calme, intense, voire dangereuse. Respecte-moi, ou je t'y contraindrai à nouveau. L'avenir des démons et de l'Enfer repose sur moi. Si tu fais encore une fois preuve d'irrespect, que ce soit envers Satan ou envers moi, je te tue, et je n'épargnerai pas ta Mana. Est-ce que c'est clair ?

Sa réflexion m'interroge plus que son ton ne m'effraie. N'a-t-il pas été informé par Satan de qui est Mana pour lui ? Dans ce cas, il s'engage sur une pente extrêmement glissante avec ce genre de menace... Et je décide de m'engouffrer avec insubordination dans cette faille.

— Essaie donc, démon. Dis-je en souriant, défiant la hiérarchie. Je me demande bien qu'elle sera la réaction du Prince lorsqu'il apprendra que tu as tué son ami, mais surtout sa propre fille de sang-mêlé...

Cecidit AngelusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant