Chapitre XIV

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PDV Mana

La foule s'impatiente et s'agite, j'entends certaines messes basses se demander si l'annonce aura bien lieu.

— Ils en mettent du temps, ajoute Sofía.

Je ne dis rien, et me contente d'attendre. Depuis que j'ai mis les pieds dans ce château, je scrute chaque tête de la pièce et tente de trouver un visage familier dans la foule. Où pourraient être Alaric et Isaac, si ce n'est là où tout le monde semble s'être réuni ? Mais j'ai beau chercher et chercher, je ne les trouve pas, et commence doucement à perdre espoir... Même si je semble avoir trouvé un guide momentané qu'est Sofía, je me sens seule comme jamais auparavant. Je me retrouve dans un endroit inconnu sortant tout droit d'un bouquin fantastique, et je ne sais comment l'appréhender. Je ne sais pas quoi faire, je suis dans le flou total... Je donnerais n'importe quoi pour être avec Isaac dans la forêt... Lui seul évoque en moi ce qui se rapproche le plus d'un sentiment de sécurité... de familiarité... Je ne saurais expliquer pourquoi, mais ces trois jours à ses côtés étaient les plus faciles à vivre depuis très longtemps. Oui, avec lui, tout semble plus... léger. C'est comme si soudainement en faisant sa rencontre tout était rentré dans l'ordre. Quand je pense à lui, c'est ce que je ressens. Que tout est en ordre. Que c'est logique, clair comme de l'eau de roche. Mais une petite voix me dit que si je suis là aujourd'hui... c'est peut-être que je vois un peu les choses avec des lunettes roses. Une partie de moi doute que notre rencontre n'ait causé des choses qui n'auraient peut-être pas dû arriver, et que j'ai dérivé vers un destin qui n'était peut-être pas le mien, du moins qui n'était pas prévu. Et que ce n'est pas une bonne chose, surtout quant à la manière dont je suis arrivée ici...
Je malaxe ma poitrine, là où j'ai reçu l'épée de l'Archange. Il n'y a plus rien, pas la moindre cicatrice, ce qui rend mon côté rationnel mal à l'aise, qui crie au danger et refuse la réalité. Mais est-ce que quelque chose qui n'est pas normal est forcément mauvais ?... Telle est la question.
C'est alors qu'un claquement de porte fait taire toute la salle de réception. Seuls des chuchotements résonnent encore, qu'un homme en costard rouge et noir fait tout à fait disparaître en entrant dans la salle. En l'espace d'un instant, tout le monde s'agenouille, et je suis la dernière debout. Sofía tire ma manche pour m'entraîner à faire de même. Face contre sol alors, j'attends quelque chose, sans savoir quoi.

— Mon peuple, résonne une voix masculine autoritaire qui vibre à l'intérieur de moi d'une façon indescriptible.

Je relève légèrement le regard, curieuse. Lorsque je pose les yeux sur l'homme à l'origine de cette voix. D'allure, il n'a l'air que d'un homme banal, peut-être tout droit sorti de Wallstreet, mais banal. Et pourtant il dégage une aura qui hérisse les poils de tout mon corps, c'est comme si... comme si je ne pouvais résister de me soumettre. Je me sens comme ces louveteaux qui plient le museau devant le mâle alpha de la meute, je me sens forcée le respect, la dignité, et la soumission. J'ai beau essayer de le regarder dans les yeux, mon regard s'abaisse instinctivement. Il respire l'autorité, la dangerosité, mais en même temps, j'ai l'impression que je ne crains rien. Tant que je fais partie de la meute.

— Il y a de ça huit longs siècles, la Terre Promise m'a pris un des miens, dit-il. Un être cher, un ami. Et elle m'a empêché d'agir pour le secourir. Pendant huit cent ans, je n'ai rien pu faire pour aider mon ami, qui s'est finalement résigné à purger sa peine, dans l'incapacité de faire autrement. Et aujourd'hui... le revoilà. Le revoilà parmi nous, parmi mon peuple, le voilà de retour à la maison ! Alors relevez-vous donc, démons, je compte sur la Géhenne toute entière pour fêter son retour et lui dire tout ce qu'il a manqué durant tout ce temps !

Tout le monde se met alors debout et à acclamer l'homme, tenant dans sa main le poignet d'un autre en signe de victoire. Lorsque mon regard se pose sur lui, je reconnais d'emblée Isaac, qui sourit malgré lui face à la foule. Derrière lui en retrait, Alaric aux côtés d'une bête humanoïde d'au moins deux mètres. Soudainement, je ne ressens plus aucune inquiétude. C'est tout ce que je voulais, tout ce que je voulais... !
Et alors, les yeux rivés sur celui que j'attendais depuis que je l'ai quitté, je m'avance instinctivement, écartant voire bousculant la foule qui demande un discours de sa part. Isaac se gratte l'arrière de la tête, semblant vouloir éviter ce discours, mais l'homme en costard l'entraîne à le faire, alors il s'approche du micro :

Cecidit AngelusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant