XXXIV

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          Une fois avoir raconté l'histoire et le contexte à Alaric, sans évidemment donner trop de détails sur certains passages, Alaric ferme les yeux dans un petit soupir ; et semble à la fois contrarié et en pleine réflexion.

—    Qu'en penses-tu ? Demandai-je presque aussitôt, son expression accentuant mon impatience.

—    Rien d'étonnant quant à mon frère... pouffe-t-il un léger rire.

—    Mais... comment je suis censé prendre sa réaction ?... À mon sens, il n'y aucune bonne manière de le faire...

J'inspire, et l'émotion me pique le nez. Le titre de mes tomes se trouble, mais je ne laisse aucune larme se déverser sur les couvertures. Je n'apparaîtrai pas faible devant son frère, il en est complètement hors de question. Je ne laisserai personne voir à quel point cela m'atteint, à quel point je me suis attaché à Isaac sans savoir qui il était vraiment... Je refuse que l'on se moque de moi. Après tout ce par quoi je suis passé, on me crois déjà assez faible comme ça, on me ménage déjà bien trop, on m'accorde bien trop de regards plein de pitié. Alors, je ne craquerai sous aucun prétexte.

—    Sache déjà que je suis réellement navré qu'il t'ai blessé... mais ça n'était pas volontaire, crois-moi, Mana... Tu sais... Isaac est quelqu'un de très maladroit, et souvent, il a du mal à se mettre à la place des autres pour comprendre les effets que peuvent leur faire ses paroles ou ses actes. Il fonce, tête baissée, il est têtu au possible et a beaucoup de mal à avouer ses tords. Il n'y a effectivement aucune bonne manière de prendre sa réaction, je ne vais pas te mentir, dit-il, et sa phrase fait sursauter mon cœur.

Je l'entends déjà me dire d'abandonner. Je l'imagine d'ores et déjà me dire que j'avais raison, et que je devrais laisser tomber, car Isaac n'est plus du genre à faire dans les sentiments depuis qu'il a perdu celle qu'il a réellement aimé, huit cents ans auparavant.
          Je serre les poings, attendant la révélation sentence. Il faut que je l'accepte. Il faudra à tout prix que je l'accepte, et que je sache passer à autre chose. Je dois l'accepter.

—    Cependant, il y a bien des manières de comprendre cette réaction, poursuit-il. Laisse-moi te raconter une petite histoire...

Surprise quant à sa faveur, je me redresse sur mon siège cependant, toute ouïe.

—    Il était une fois, débute-t-il, deux petits garçons de très bonne famille, naquirent dans un magnifique château. D'excellente famille, ils étaient effectivement les fils du seigneur du plus grand duché de France. Le seigneur, un homme fort cruel, avide, et insensible, ne voyait en ses deux fils qu'un moyen d'acquérir plus d'argent et de pouvoir, en les promettant en mariage aux filles des deux seigneurs voisins, respectivement à la tête des second et troisième plus grands duchés du pays. On appelait ces duchés surpuissants le « triangle des ducs ». Les deux petits garçons vivaient donc avec leur mère, sous les coups et les insultes de leur père. Ils vécurent une enfance sans ne pouvoir faire le moindre faux pas ; des jours à bénéficier d'une excellent éducation, mais des nuits à entendre leur chère maman subir les viols incessants de la part de leur père. L'ainé des deux grandit en adoptant une attitude forte taciturne : outil de pouvoir une fois majeur et marié, il a appris à être parfait en toutes circonstances. Le plus petit frère, cependant... était très attaché à sa mère. Il changea à sa mort, appris à grandir dans la haine de son père, devint tumultueux, frivole, en proie aux scandales, orgueilleux et vaniteux. Le grand frère tâchait de le protéger de tout, de le remettre dans le droit chemin... mais le petit frère continuait de se retrouver dans des situations inconfortables. Jusqu'à mettre en péril, et bien évidemment exprès, les plans de son père. Lorsque celui-ci mourra, le duc De Bellefroix, seigneur du second plus grand duché, vit en le petit frère un courage sans faille. Il le prit sous son aile, comme le père qu'il n'a jamais connu. En réalité... il n'y vouait pas le moindre amour, le petit frère n'était qu'un moyen de parvenir à ses fins pour lui. Il le convainc aisément de le suivre dans ses objectifs, et le petit frère se laissa séduire par le pouvoir, malgré les avertissements de son aîné. La fille et le petit frère tombèrent follement amoureux, ce qui ne le servi en rien à ouvrir enfin les yeux. Mais pris dans les jeux de pouvoirs, elle dû un jour faire un choix entre l'amour et le pouvoir. Elle décida alors de trahir son fiancée, en compagnie de son père ; et il se retrouva seul, suppliant son grand-frère de le pardonner, de pardonner son orgueil... !

Cecidit AngelusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant