Chapitre V

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    D'un pas décidé, je retrouve étrangement sans aucune peine les ruines et le panthéon. J'essaie de ne pas penser à tout ce qui vient d'arriver, de résister à l'envie de répondre à chacune des personnes qui m'insultent sur les réseaux, mais Dieu merci j'ai laissé mon téléphone à la maison. Il faut que je reste ferme avec moi-même. Je suis un danger pour autrui, c'est un fait, je ne peux donc pas rester là-bas. Et y penser me ferais vite douter de ce choix auquel je dois me tenir si je ne veux plus faire de mal à mes proches.
    Je perçois les premières ruines... L'air s'est rafraîchit il y a un moment, et le ciel est blanc. Il va probablement neiger aujourd'hui... Le premier jour de neige de cet hiver. Quitte à fuir un moment, j'aurai dû prendre quelque chose de plus chaud...
    En passant les premiers piliers effondrés, je remarque certains signes sur ceux-ci, sur les arbres ou sur les pierres à terre, qu'hier soir dans la nuit, je n'ai pu distinguer à cause de l'obscurité. Il y a des pentagrammes, des croix inversées et des croix normales... Finalement je crois que ce lieu est d'autant plus effrayant le jour que la nuit. Mais si ça peut me tenir à l'écart des autres... Je suppose que ce sera toujours suffisant.
    J'entre dans le bâtiment détruit et me repose au même endroit que la veille. Dans la même position. J'allume un feu à nouveau, et me réchauffe, blottie dans mes genoux. Je remarque alors un écureuil se tenir sur le seuil du panthéon, avant de sauter sur un gros pilier. Il me fixe de ses petits yeux noirs, et ses petites moustaches s'agitent. Il est à croquer... Il s'approche vers moi en sautant de piliers en pierre, de pierre à terre, et ce jusqu'à mes pieds, et je crois bien que ce sera l'unique et meilleur moment de la journée.

—    Tu n'as pas peur de moi, toi ? Souriais-je.

Bien-sûr, je n'espère aucune réponse. Je tends ma main vers l'animal. Il bute alors son museau contre mon ongle, et me renifle la main. Je rigole légèrement.

—    C'est bien la première fois que ça m'arrive ça ! Il y aura donc tout de même du bon dans cette journée.

—    Aucune journée n'est totalement sombre.

Cette voix grave me surprit. Une voix grave, mais douce. Positive. Je sursaute néanmoins et me retourne. Rien. Mon dieu... est-ce que je deviens paranoïaque ?... Ça y est, c'est définitif, à force de me faire traiter de folle à lier, j'ai vraiment finis par le devenir !
    Je tourne la tête en soupirant. L'écureuil est toujours là et me regarde fixement, mais...

—    Bouh !

Je pousse d'emblée un cri strident qui fait filer l'animal à toute vitesse, et me retourne promptement les poings armés, quand je vois cet homme à quelques centimètres de mon visage. Je recule aussitôt de plusieurs mètres, imaginant tous les mauvais scénarios du monde. J'analyse l'individu, plié de rire. Ses cheveux blonds sont décoiffés, son teint beige foncé contrastant avec des yeux cristallins, et il est vêtu d'un pantalon noir simple assorti d'une large chemise blanche laissant découvrir son torse imberbe.

—    Les humaines sont tellement hilarantes lorsqu'on leur fait ce genre de plaisanteries !...

—    Q-Qui êtes-vous ?! Bégayais-je. Vous me voulez du mal ?! Vous faites partie de ces dégénérés au lycée qui me veulent du mal, c'est ça ?!

—    N-Non ! Se moque-t-il de moi, l'air de ne pas comprendre. Je ne te veux aucun mal, je t'assure.

Je le regarde avec un air agacé, tandis qu'il part s'asseoir sur un siège de marbre au fond de la pièce. Il croise ses jambes et repose sa tête sur son poing, tout en fermant les yeux. Je n'ai pas l'air de le gêner, en tous cas.

—    Alors partez s'il vous plaît... Demandais-je honnêtement. J'aimerais être seule... C'est plus prudent que je reste seule.

—    N'est-ce plutôt pas toi qui devrais partir belle demoiselle ? Tu es chez moi après tout.

Cecidit AngelusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant