Chapitre VIII

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    Petit à petit, la transe s'arrête et je retrouve la sensation de mon corps tout entier. C'est comme si je venais de m'endormir l'espace d'un court instant. Je rouvre les yeux sur le visage d'Isaac, sa paume toujours plaquée dans ma chevelure, l'autre dans le bas de mon dos, je suppose qu'il maintenait mon corps absent de conscience pour que je ne tombe pas en arrière, le temps que je lui montre tout ça. Il rouvre lentement les yeux à son tour, son air concentré et la sensation de ses mains possessives sur mon corps m'arrachent des papillons dans le ventre. Isaac essuie alors avec tendresse de ma joue une larme dont je n'avais pas remarqué l'existence.

—    Je t'interdis de croire que c'est de ta faute, dit-il alors simplement.

Je ris doucement.

—    Tu arrives un peu tard pour me dire ça... Et puis ça l'est de toute manière.

—    Je vais déjà te reprendre sur quelque chose de capital, et j'ose espérer que cela atténuera d'un peu ta culpabilité. Ce n'est pas que tu ne contrôles pas ton don, Mana. Si tu ne le contrôlais pas, tu ne serais pas en mesure de faire léviter sans peine une pierre et de la projeter plus loin. Au pire, tu la ferais exploser en mille morceaux. Ce que tu ne contrôles pas, ce sont tes émotions. Et je te rassure... Personne ne les contrôle. Elles nous détermine, elles sont nos maîtres. Nous sommes tous esclaves de nos émotions. Tu ne peux pas en vouloir à l'enfant de sept ans que tu étais de ne pas avoir su faire ce qu'aucun adulte, que dis-je, se reprend-t-il, ce qu'aucun être sur cette Terre n'est capable de faire. Tu étais une enfant... Répète Isaac en relevant mon menton de ses doigts. Ce n'est pas ta faute. Quant à ces quatre garçons, dit-il alors avec beaucoup plus de sérieux, c'est quelque chose pour laquelle je peux faire quelque chose. Et crois-moi bien que tu me le demande ou pas, une fois sortis d'ici, je leur ferai payer ce qu'il t'ont fais. Je le jure sur ma vie.

Le sérieux et la détermination avec lesquels il me jure ça me font presque peur à moi, alors que je suis la victime dans l'histoire. J'ai bien deviné qu'il parlait de Matt et sa bande, et je ne l'empêcherais en aucun cas de me venger. Qu'il s'y donne donc à cœur joie, ce sera toujours bien fait pour eux.

—    Et après, tu partiras, pas vrai ?... Repris-je malgré moi sur ce sujet.

Isaac ne me répond pas tout de suite. Il me regarde un moment et semble réfléchir sérieusement avant de me répondre.

—    Si j'ai bien compris, tu penses que rien ne t'attends, chez toi ?

—    Non, effectivement.

—    Tu laisses des parents qui ne t'ont finalement pas abandonnée derrière toi, si tu fuis.

—    Ça leur rendra toujours plus service que si je restais.

—    Mana, tu sais... J'ai été humain, autrefois. Et des parents, on en a que deux, durant toute sa vie humaine. C'est un temps bien trop court. Il faut en profiter. On n'a pas tous la chance d'avoir des parents aimants. Tu ne peux pas les abandonner comme ça. Tout ce que tu as à faire, c'est apprendre à gérer ta colère. Tu dois distinguer la télékinésie de tes émotions, ne pas les mélanger. Elles sont deux choses différentes, et si tu gardes ça à l'esprit, tu ne feras plus jamais de tord à qui que ce soit. Fais-moi confiance.

Je baisse les yeux, certaine qu'il a raison. Sa théorie est censée, et si j'apprenais à gérer mes émotions, peut-être qu'elles ne prendraient plus le dessus sur mes capacités, et qu'alors je pourrais vivre plutôt normalement. Peut-être que ça pourrait marcher... Mais Isaac a l'air tellement sûr de lui que je ne veux pas lui rappeler les détails qui fâchent, comme le fait que cette ville, mon lycée, le monde ici, me rejette.

—    Le monde ne se situe pas à ta petite ville, ma douce. Convaincs tes parents de s'en aller. Je suis certain que si vous commenciez une nouvelle vie ailleurs, vous n'en seriez que plus heureux. En plus-

Cecidit AngelusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant