Cecidit Angelus

LI

Mana

Je regarde Isaac se rhabiller, tandis que je préfère rester étalée sur son lit.

— Bébé !... chantonnai-je. Tu gâches tout le plaisir... ! On est vraiment obligés d'y retourner maintenant ?

— Deux heures, c'est suffisant, non ? Rit-il. Je te rappelle qu'on fait face à une véritable crise ! Les démons ont besoin de moi... Vient-il embrasser mon front... et de toi !

Son sourire est adorable, et je ne sais résister à l'envie de le tirer vers moi. Isaac tombe à mes côtés, et je grimpe sur son corps sous nos rires.

— Mana ! Maugre-t-il. Tu n'es pas possible...

— Cinq minutes, dis-je. Juste cinq minutes. Grâce à nous, tous les démons sont maintenus dans un état plus ou moins stable. Notre antidote à Amaymon et moi fait encore effet. Tu as formé les gardes pour te relayer : si jamais un autre cas critique surgit une fois de plus comme tout à l'heure, ils sauront lui injecter l'antidote, ou appeler Amaymon pour le faire. Alors bébé, tu peux bien t'offrir deux heures et cinq minutes avec ta copine ?

Ma question sonne plus comme une affirmation qu'une question, et Isaac soupire en souriant.

— Bien ! Abdique-t-il. Mais il faut que tu me dises d'où vient ce surnom : « bébé »... ?

— Oh ! C'est populaire à notre époque. Oui, j'imagine qu'à la tienne on ne disait pas ce genre de choses.

— Non, effectivement, mais... j'aime beaucoup.

Cet aveu ajouté à son adorable sourire me pousse à l'embrasser. Je caresse tendrement son visage, savourant chaque seconde de ces cinq minutes qu'il nous laisse.
Je ne veux pas le dire et tente tant bien que mal de le cacher mais, je n'ai également pas du tout envie de le quitter si c'est pour retrouver Amaymon. Notre dispute et sa méchanceté me revient en mémoire chaque fois que son visage passe dans mon esprit, et me serre le cœur à m'en redonner l'envie de pleurer.
Plus ça va, plus je me tâte à l'idée d'abandonner celle d'arrêter de pleurer et de paraître forte, parce qu'à priori, j'en suis tout à fait incapable. Curieux, quand on pense que je n'ai pas versé une seule larme pendant dix ans. Depuis que je suis un démon, je me répète, mais je suis une véritable fontaine à larmes. Pathétique...
Afin d'éviter de penser à cet idiot de démon, je change de sujet de conversation :

— Et toi, il faut vraiment que tu m'explique d'où tu sors toutes ces compétences pour t'occuper des autres ?

— Oh ! J'ai cru que tu ne poserais jamais la question ! J'en aurais été davantage fier si nous avions été de la même époque, mais... dit-il en passant sa main dans ses cheveux. J'ai étudié la médecine, à mon époque. J'étais l'apprenti du médecin du village.

— Mais quel homme ! Complimentai-je.

Isaac affiche l'un de ses sourires qui me donne envie d'hurler au monde que j'ai le plus bel homme de l'univers à mes côtés, mais je ravale ma jouissance. Je l'aime tant qu'il me fait soupirer.

— Nos cinq minutes touchent à leur fin, confirme-t-il. Comptes-tu te rhabiller maintenant pour les respecter, ou bien attendre leur échéance pour nous en rajouter subtilement cinq de plus ?

— Tu cernes un peu trop bien mon caractère, Mr. Kellington, souriai-je.

Puisqu'il a vu clair dans mon subterfuge, je décide de la jouer fair-play et me relève avec le drap blanc enveloppant mon corps. Je m'éclipse le temps d'aller chercher mes vêtements dans la salle, et reviens m'habiller dans la chambre. Dans le silence, Isaac me regarde faire, allongé sur le côté, sa main retenant sa tête.