Chapitre XXIII

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J'ouvre doucement les yeux... La bouche pâteuse, le corps engourdi, je m'habitue à la lumière ; et découvre une pièce que je ne connais pas. Une chambre, plus précisément. Je tente de me relever, mais j'abandonne vite... Je me sens lourde, très lourde, mais curieusement... pas mal. Simplement... différente. Je serre les poings, étire mes doigts... Quelle est cette sensation ? C'est comme si j'étais... plus...

—    Hélène... prononce une voix masculine.

Je tourne la tête, et découvre un homme assoupi sur une chaise. Dormir, c'est vraiment la solution pour passer le temps chez les démons apparemment. Il marmonne le même prénom plusieurs fois, et je me demande bien qui c'est.
          Je le détaille : grand, très fin, ses cheveux bruns courts et sales tombent sur son front. Il n'est habillé que d'un haillon couleur beige, troué, d'un pantalon noir froissé et ne porte rien aux pieds, tous aussi sales pour sublimer le personnage.
          Il sursaute, ses bras se décroisent dans son sommeil, et malgré que l'homme en lui-même me rebute légèrement par son apparence, je ne peux m'empêcher de me sentir soucieuse de son air triste. Les sourcils froncés, le visage sévère et la mâchoire contractée, j'ai l'impression qu'il est à deux doigts de fondre complètement en larmes. Qui est cet homme ?...

—    HÉLÈNE ! Hurle-t-il en me faisant sursauter.

Je le regarde, surprise. Il a sauté sur ses pieds d'un seul coup, maintenant debout au milieu de la pièce à regarder les alentours. Lorsqu'il comprend son environnement et pose les yeux sur moi, il tique et marmonne :

—    C'est ta faute, à porter son visage...

C'est à peine audible, et je ne suis pas sûr d'avoir compris sa phrase, alors son sens m'échappe encore plus. Isaac surgit alors dans la pièce après avoir balayé l'homme d'un regard mauvais, et je m'écris aussitôt :

—    Isaac !

Il ne se fait pas prier pour sauter dans mes bras, et serrer ma tête contre son torse avec puissance.

—    Enfin ! S'exclame-t-il, poussant un grand soupir d'aise.

—    Isaac, tu m'écrase ! Riai-je.

—    Oh, excuse-moi !... Dit-il en s'écartant, saisissant mon visage dans ses mains. Comment vas-tu ?! Comment te sens-tu ?! As-tu besoin de quoi que ce soit ?!

—    Isaac, je vais bien ! Assurai-je en prenant ses joues plus fort que lui.

Il se laisse tomber sur le lit, comme s'il n'avait plus la force de se tenir sur ses jambes.

—    Je suis tellement rassuré !... Cela fait des jours que j'attends ton réveil ! J'ai bien cru qu'il n'arriverait jamais...

Il me prend à nouveau dans ses bras, ses phalanges se perdant dans mes cheveux. Je l'entends respirer ma peau, avant qu'il ne plante un doux baiser sur ma tempe, puis sur mon front, écartant une mèche de cheveux derrière mon oreille... Je peux le dire, sans conteste : ça m'a manqué, cette manière dont il me touche...

—    Tu m'as tellement manqué, dit-il comme s'il lisait dans mes pensées.

Le fait qu'il soit à ce point sur la même longueur d'onde que moi m'exalte tant, que ça me donne le courage de poser une main sur son visage, pour caresser sa joue de mon pouce. Il semble encore plus surpris que moi de mon geste.

—    Toi aussi, tu m'as manqué.

Je plonge mon regard dans le l'or des siens, qui affichent encore un air d'inquiétude conséquent. Sa large main vient alors couvrir le côté droit de mon visage, ses doigts brossent légèrement mes cheveux. Dans un silence, ses yeux hésitent entre les deux miens, avant que son visage ne s'approche lentement du mien, dans une légère hésitation — je le remarque. Puis, descendant sur ma mâchoire, légèrement derrière mon oreille, il pousse doucement mon visage vers le sien, avant de fermer les yeux et de poser sur mes lèvres le baiser le plus doux qui soit. Il me transmet toute son inquiétude à travers, comme s'il lui permettait d'être enfin apaisé. C'est ce que je ressens par ce contact : son corps et son esprit qui s'apaisent. Tandis que le mien s'embrase.
          Lorsqu'il se retire avec la même douceur, je tente d'attraper de nouveau ses lèvres, les manquant, mais il ne le remarque pas et soupire, comme délivré. Voyant son air si paisible, et compte tenu de toutes les inquiétudes que j'ai dû lui causer ces derniers temps, je décide de calmer mon corps, et de ne pas saisir cette occasion que l'on a de se retrouver seuls dans une chambre. Je la saisirai plus tard...

Cecidit AngelusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant