XLIV

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Isaac

          J'émerge de mon sommeil, les yeux sur un plafond noir qui ne ressemble point à celui de mon chez moi. Je reconnais ces motifs : je suis au palais. Mais... et les Puissances ? Les portes ? Mana ? Est-ce que ?...
          Un poids se déplace lentement sur mon abdomen, que je n'avais point perçu auparavant. En levant la tête, je découvre Mana, endormie sur moi. Je souris doucement et viens effleurer sa chevelure, reposant la mienne sur l'oreiller, rassuré... Comment parvient-elle a trouver le sommeil dans une telle posture, assise sur une chaise ? Elle va finir par se froisser un autre muscle...
          Mes derniers souvenirs reviennent progressivement... Cependant, il m'est impossible de saisir comment j'ai pu atterrir ici. Comment Mana a-t-elle pu nous tirer de cette situation périlleuse ?
          Aussi loin que remontent mes réminiscences, je ressens encore la douleur causée par la lame angélique traversant ma chair, bien heureusement sans atteindre mon cœur... Je l'ai aperçue à peine quelques secondes avant qu'elle ne me transperce, et j'ai réussi à l'éviter autant que faire se peut... Pourtant, j'étais convaincu que, malgré cette esquive, la blessure était néanmoins fatale... l'arme en question ne laissait guère de doute...
          Et sentant mes forces m'abandonner peu à peu, tandis que les Puissances se rapprochaient inexorablement... j'ai compris. J'ai compris que la mort était en train de m'emporter, et que cela surviendrait avant que Mana ne puisse réchapper de ce funeste destin. J'allais quitter ce monde sans avoir eu l'occasion de lui avouer ne serait-ce qu'une seule fois l'amour que je lui porte. Et cela, il n'en absolument pas question.
          Mes derniers mots furent donc ces aveux, dictés par une évidence inéluctable. Puis... le néant. Et à présent, je me réveille ici, elle reposant sur moi, et je rends grâce au ciel, ou à quelque autre être que ce soit, de nous avoir permis de rester en vie.
          Je passe une énième fois ma main dans ses longues mèches brunes... Elle semble tombée dans un profond sommeil. J'aimerais me lever, mais comment oser la réveiller ? Je ne le pourrais. Elle est si innocente, si adorable, endormie ainsi... Son visage n'est que perfection. Elle est belle à en mourir.
          Soudain, j'entends frapper à la porte. En relevant la tête, je découvre Alaric, qui fait son entrée dans la chambre.

—    Tu m'as fais une peur bleue, idiot de petit frère... avoue-t-il.

—    Je suis désolé, m'excusai-je aussitôt. Je manque un peu de détails. Je ne sais pas très bien de quelle manière j'ai pu... survivre à cette expérience.

—    Amaymon vous a secouru in extremis, précise-t-il alors.

Je pousse un grand soupir, en frottant mes yeux... Je dois une dette de plus en plus colossale à ce fichu démon de malheur...

—    Mana l'a appelée, alors que tu perdais la vie. Il a rappliqué, il l'a entendu comme si elle était dans la pièce d'à côté. Ce qui anime ces deux-là... c'est surnaturel, même pour nous.

—    Tu plaisantes, dis-je, sarcastique. Il n'y a ici rien d'étonnant, venant de sa part. Il la surveille comme un maître et son chien. C'en est presque effrayant.

—    Il tient à elle, c'est flagrant. Par extension donc, il est conscient qu'il doit aussi agir convenablement envers toi.

Je éprouverais presque un rire. L'idée qu'il ait été contraint de me secourir doit l'avoir tant dérangé sur l'instant, qu'elle en devient presque risible.
Malgré tout, je ne peux m'émécher de ressentir une certaine gratitude... mais je n'oublies pas qu'il a attenté à ma vie. Je me trouve partagé entre l'envie de le remercier pour m'avoir permis de rester aux côtés de Mana, et celle de le frapper pour avoir tenté de m'en priver à jamais. C'est un sentiment des plus étranges.

—    Que s'est-il passé, exactement... ? Demandai-je tandis qu'il déroule correctement et avec soin le col de la robe de Mana, replié dans son cou.

Cecidit AngelusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant