Cecidit Angelus

LIV

          Après un travail de pas plus de vingt minutes pour intégrer le sort de vie angélique de Satan, à la formule du sort démoniaque, je scrute celui-ci lire la forme finale du parchemin, impatiente de son assentiment.

—    Cela pourrait fonctionner... assure-t-il en pleine réflexion. Ce sort m'a l'air très bien équilibrée, il pourrait vraiment faire l'affaire... !

—    De toute manière, intervient Amaymon, qui ne tente rien n'a rien. Si celui-ci ne fonctionne pas, nous trouverons une autre inclinaison. Nous sommes sur le bon chemin.

—    Oui ! Confirmai-je. Un peu de persévérance et nous réussirons enfin à sauver tout le monde !

—    Je l'espère... le nombre de disparus augmente. Deux de plus cette semaine. Je ne comprends pas pourquoi...

Amaymon et moi nous échangeons un regard lourd de sens, et je sais que, comme moi, il se remémore notre discussion au sujet d'une taupe au sein des Enfers. Tandis que lui en est intimement persuadé, moi, je refuse surtout d'y croire tout en sachant que c'est la seule explication plausible...
          Mais en parler au maître des Enfers est-il vraiment avisé ? Cela équivaudrait à remettre son autorité et ses sens en question. Cependant, Amaymon, fidèle à lui-même, n'en a comme d'habitude que faire :

—    Tu ne comprends pas pourquoi, ou tu ne veux pas comprendre pourquoi ? Questionne-t-il de but en blanc.

Satan le regarde avec une expression indéchiffrable. La crainte qu'il explose de colère sur son idiot de fils me dresse sur mes jambes, mais Satan ne fait que soupirer en baissant son visage vers le sol.

—    Le Prince de la Géhenne est loin d'être stupide, dit-il simplement avant de quitter la pièce.

Il nous confirme aller s'occuper de peaufiner les derniers détails en agitant la formule qu'il emporte avec lui, et dès que j'estime que mon maître est assez loin, je me jette sur son fils.

—    Tu n'as donc aucun tact ?!

Amaymon rigole, tel un enfant, dévoilant ses crocs dans une joie adorable ; et je souffle, exaspérée...

—    Bon... maintenant que notre sort est à priori terminé et qu'on ne peut rien faire de plus si ce n'est attendre après Satan... et si tu continuais de me martyriser ? Proposai-je. Je ne sais toujours pas déployer mes ailes, et tu as encore un tas de trucs à m'apprendre.

—    Tu en redemandes toi-même, maintenant ?! Dit-il, surpris.

—    Il faut croire que ces mois à tes côtés m'ont métamorphosé en un démon... plus... ?

—    Moins peureux ? Rectifie-t-il.

—    Ça me semble être juste, sourirai-je.

Je prends le bras qu'il me tend, et nous descendons tranquillement les escaliers en papotant de mes dernières prouesses sous son enseignement. Bien évidemment, celui-ci s'accorde tous les mérites en plaisantant, et seule une pichenette sur le torse lui remet suffisamment les idées en place pour qu'il finisse par me féliciter.

—    Mana !... Résonne alors la voix d'Isaac, tandis que nous sommes sur le point de quitter le hall du palais.

Mon menteur d'ange déchu surgit près de nous, et saisis ma main libre, qu'Amaymon retire dans un grognement en me forçant à reculer d'un pas. Le message est clair « c'est à mon bras qu'elle est pour l'instant, pas touche », et sa jalousie me fait soupirer...

—    Arrêtez, tous les deux...

—    Tu viens nous refaire le coup du futur papa, imbécile d'ange déchu ? Lâche Amaymon avec sarcasme.