XXXVII

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Isaac

Je repose le plumeau à sa place, mes étagères enfin dépoussiérées. Voilà qui maintient un esprit occupé : le ménage !
À peine le temps ai-je le temps de me rasseoir pour reprendre ma lecture que l'on frappe à ma porte. Alaric aurait-il oublié quelque chose ici tout à l'heure ? Et il ne s'en aperçoit que trois quarts d'heure plus tard ? Quelle tête en l'air, celui-là...
Je tourne la poignée, prêt à accueillir mon frère, lorsque brusquement, à l'instant où j'ouvre la porte, un choc et une douleur aiguë me transpercent la poitrine. Je lève les yeux pour découvrir Amaymon, un large sourire aux lèvres, mon cœur encore palpitant dans la paume de sa main gauche.

— Ding dong, chantonne-t-il tandis que je recule.

Mes jambes se heurtent contre les pieds de la table, sur laquelle je me rattrape d'une main, tandis que l'autre se porte instinctivement sur le gouffre béant qu'a laissé le démon à la place de mon cœur... Un flot de sang rouge se déverse sur le sol, d'une intensité sonore inquiétante, et ma vue commence à se troubler...

— Ce qui est bien avec les démons, dit-il en entrant, c'est qu'ils ont trois cœurs. Si l'on ne poignarde pas les trois en même temps, ils se régénèreront les uns après les autres. À moins d'avoir une lame angélique. Mais vous, les pauvres, petits, et faibles anges déchus... vous n'en avez qu'un.

Il scrute mon organe vital pulsant probablement ses derniers battements dans sa main, tel un vulgaire trophée... tandis je sens mes forces me quitter au même rythme que ceux-ci...

— Ne te fais pas de bile, cafard, insulte-t-il alors, ce serait bien trop facile que tu meurs maintenant. Je suis gentil, je vais te laisser plaidoyer ta défense. Quand tu mourras de mes mains, je veux que tu saches exactement pourquoi.

Sur ces mots, exerçant sur mon cœur un pouvoir que je ne connais guère, l'enveloppant d'un étrange revêtement, semblable à du verre. Mes forces me reviennent alors petit à petit, me laissant perplexe quant au creux qu'il laisse dans mon corps, lequel cesse d'ailleurs de saigner. Je ne sais ce que veux ce démon, à m'attaquer sans crier gare, mais en me redonnant vie, il commet une erreur de jugement des plus funestes...

— Qu'est-ce que tu veux ? Lançai-je sèchement.

— Te faire payer pour Mana.

Sur cette affirmation, il exerce soudainement son pouvoir de soumission sur moi, me plaquant violemment au sol. À peine ai-je le temps de me rattraper de mes avants-bras, et je serre les poings, luttant contre son emprise... Mais une fois encore, et d'une férocité plus implacable que la première, il m'écrase sous son pouvoir, me soumets, contraint front à toucher le sol...

— Tu es au courant... n'est-ce pas ?... Parvins-je à articuler malgré les tonnes qui pèsent sur moi.

— Au courant de quoi ? Que tu n'es qu'un misérable insecte qui joue avec le cœur des jeunes filles ? Qui y prend plaisir ? Je savais que j'aurais dû intervenir ce soir-là quand je t'ai vu la mener chez toi, non... même avant, se reprend-t-il, j'aurais dû vous arrêter dès le soir où tu l'as invité au restaurant, j'aurais dû te tuer à l'instant où tes sales pattes ! Ont osé se poser sur elle !

Il intensifie encore sa force de soumission, me contraignant à vomir sans fin... Mes régurgitations remontent le long de mes joues, m'éclaboussent le visage ; et ma gorge et mon œsophage me brûlent et me piquent...
Lorsque je n'ai plus rien à vomir, sinon du sang, Amaymon relève enfin sa force de soumission. Je tousse alors, à genoux, baignant dans mon sang et mes propres rejets. Tandis que je reprends peu à peu mes esprits et que ma capacité à parler revient, une question brûle cette fois mes lèvres.

Cecidit AngelusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant