Cecidit Angelus

Chapitre XIX

Lorsque je franchis le seuil de la porte, je découvre Mana étendue sur le sol, haletante, comme si elle se trouvait emprisonnée dans une bulle privée d'oxygène. Je remarque immédiatement la teinte inhabituelle de ses veines, irradiant d'un jaune éclatant, terrifiant. Alaric soutient délicatement sa tête, épongeant son front de son mouchoir. La racine de ses cheveux est imbibée de sueur, et de larges gouttes perlent sur son front. Lorsque je m'agenouille à ses côtés et saisis son visage, sa peau semble presque brûler mes doigts.

—    Mana ! M'écriais-je. M'entends-tu ?! Mana !

Elle tourne imperceptiblement la tête vers moi, ses paupières à peine entrouvertes laissant entrevoir des pupilles, qui semblent me chercher.

—    J'ai... mal... dit-elle d'une voix rocailleuse, asséchée.

—    Où as-tu mal, dis-moi tout mon enfant, s'abaisse aussitôt Satan en saisissant son poignet.

—    Par... tout... La gorge... Les poumons... J'ai du mal à respirer... Tout me brûle... j'ai mal, je t'en prie... Isaac... j'ai mal...

Ses paroles me transpercent le cœur, arrachant mon âme, et font aussitôt monter les larmes à mes yeux...

—    Qu'est-ce donc, que peut-il bien lui arriver ?!... Me tournais-je vers Satan, avide de réponse... Elle semble comme sur le point de mourir... !

Mon Prince me regarde un instant, la mâchoire crispée, avant d'extraire un petit couteau de la poche de son costume. D'un geste fluide de la main qu'il passe au-dessus du visage de Mana, il l'endort instantanément. Puis, il entaille délicatement ses veines au niveau de son poignet. Il laisse s'écouler le sang noir mêlé d'une substance jaunâtre sur le dos de sa main, laquelle, contre toute attente, lui brûle dans une fumée compacte, comme de l'eau bénite.
Je porte mon regard de la scène à mon frère, qui semble tout aussi déconcerté, puis à Satan, tandis que l'incision au poignet de Mana se referme lentement.
L'expression de Satan me soulève l'estomac l'espace d'un instant. Ses pupilles rouges, démoniaques, mélangent tristesse et colère... lorsqu'il déclare :

—    Ce n'est pas qu'une impression. Elle est en train de mourir... Elle a été empoisonnée.

À ce moment, c'est comme si le plafond s'effondrait sur ma tête. Ses paroles bourdonnent dans mes oreilles et mon esprit, les déformant pour me convaincre qu'il n'a pas réellement prononcé ce que j'ai entendu, qu'il ment, que cela n'est pas possible... Non, cela n'est pas possible.

—    Mais les êtres surnaturels ne peuvent pas mourir... Elle éliminera le poison, n'est-ce pas, comme n'importe quel poison.

Ma phrase sonne plus comme une affirmation ou un ordre qu'une question. Évidemment, il est hors de question qu'elle meure. Tout à fait hors de question.

—    Tu as vu quel effet il a sur les démons ? Le problème, c'est que ce n'est pas n'importe quel poison. Affirme Satan. Il est constitué d'huile angélique, et je ne sais encore quoi. Ce poison tue, Isaac. Et à la vitesse à laquelle il se propage dans ses veines, je...

Sa voix se coupe, stoppée par les émotions qu'il retient... puis il prend une inspiration tremblante avant de reprendre... :

—    Je ne lui donne même pas deux semaines à vivre...

J'inspire de terreur. Tout semble se brouiller. Je baisse mon visage vers elle... et j'ai l'impression de la revoir, une épée plantée dans la poitrine. C'est comme si je revivais ce moment où j'ai cru la perdre une première fois... Mais celle-ci pourrait bien être la bonne...

—    Ces foutus écartés... ! S'énerve Satan... Ils passent enfin à l'attaque, et ils l'osent sur la chair de ma chair !... Emmenez-la dans les appartements en face des miens ! Ordonne-t-il. Elle y sera mieux. Moi, je me charge de trouver un antidote.