Chapitre 10 (corrigé)

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La chambre est incroyablement spacieuse, avec une vue imprenable sur la forêt. A cette heure, le soleil embrase l'horizon. La lune ne va pas tarder à pointe le bout de son nez. J'ai passé ma journée, confinée dans cette salle d'interrogatoire et je suis bien contente de retrouver un lieu plus chaleureux. Je me laisse tomber sur le lit. Putain, ce que c'est bon ! Je ne me suis pas allongée dans un lit aussi douillet depuis... en fait, jamais ! Je soupire d'aise, ce qui fait rire Luc. Je soulève à moitié en prenant appui sur mes coudes. Il me contourne et va se poster devant la grande baie.

Le silence s'installe. Il reste là, les yeux fixés sur un point de l'horizon, plongé dans ses pensées. Et moi, je l'observe. J'essaie de comprendre ce qui a pu le pousser à me défendre. Certes, il m'avait promis de m'aider, mais face à ses pairs, rien ne l'obligeait à tenir sa promesse. A présent, je le vois autrement. Je m'interroge sur la personne qu'il est. J'essaie de voir au-delà du chasseur.

- Qu'est-ce que tu fais ? me demande-t-il, en remarquant que je le fixe.

- J'admire le paysage.

- C'est vrai que cette partie de la région est très jolie.

Mon envie de le pousser à bout refait surface.

- Je ne parlais pas de ce paysage-là, rétorqué-je, amusée.

Il détourne le regard un instant, visiblement gêné. Un sourire vicieux étire aussitôt mes lèvres.

- Eclaire ma lanterne, chasseur. En matière de drague, tu es plutôt classique, n'est-ce pas ? Qu'une fille fasse le premier pas, tu n'as pas vraiment l'habitude.

- Pas du tout, s'offusque-t-il. C'est juste que....

Il n'ose pas me regarder en face et passe nerveusement la main dans ses cheveux. Je hausse un sourcil, me délectant de son embarras.

- Enfin tes yeux changent quand tu fais ça. Comme ce matin. Ça fait vraiment bizarre !

- Comment ça ils changent ?

- Je ne sais pas comment l'expliquer. Ils virent au bleu phosphorescent, ou un truc du genre, répond-il, en secouant la main vers moi. C'est assez flippant, parce que c'est le genre de regard que me lancent les lycaons avant de m'attaquer. Sauf qu'eux, leurs yeux deviennent dorés.

- T'attaquer ? pouffé-je. Je n'ai aucune envie de t'attaquer ! quelle idée !

- Comment veux-tu que je le sache ? Ce n'est pas écrit sur ton front, peste-t-il, en croisant les bras sur sa poitrine.

Ce mec combat des créatures surnaturelles tous les jours et il est perturbé par mon regard. Je ne le crois pas quand il affirme que je lui fais penser aux autres lycaons. J'ai envie de le pousser encore un peu. Histoire de confirmer ma théorie.

- Tu te méprends sur mes intentions, Luc, dis-je, d'une voie provoquante. Tu es un très bel homme et je ne peux m'empêcher d'apprécier. Ce n'est pas mon instinct animal qui parle. Enfin, pas celui que tu crois.

Ses sourcils se froncent et son corps se tend.

- Arrête ce petit jeu, Ivy, me dit-il d'une voix grave.

- Sinon quoi ? lui demande-je, avec un grand sourire impertinent.

Mes dents se plantent dans ma lèvre, sans le quitter des yeux. Son regard devient plus intense, sa respiration plus rapide. Il déglutit et ferme les yeux quelques secondes. Puis, tout à coup, il s'en va.

- Je vais te chercher à manger, lance-t-il sans se retourner.

La porte claque. Je m'allonge sur le dos, les bras en croix. Je lui plais. Quand je l'ai provoqué, son cœur s'est mis à accélérer. Ses pupilles se sont dilatées. Au fil des années, j'étais devenue experte à ce petit jeu. Pas le temps de tâtonner avec les mecs quand tu es en cavale. Si je voulais savoir si je leur plaisais, il m'avait fallu acquérir certaines compétences. Et pour Luc, tous les signes sont là. Ce qui me fait sourire. J'avoue qu'en casse-croûte, il ne serait pas mal du tout.

Luc m'a apporté le dîner et s'est éclipsé aussi vite qu'il était réapparu. J'aurais aimé qu'il reste. Même si j'adore le taquiner et jubiler devant ses réactions, j'apprécie simplement sa compagnie. Ce qui m'étonne moi-même. Je finis donc mon plat de pâtes, seule. Ce n'est pas de la haute gastronomie, mais après tous ce qui vient de se passer, ça fait du bien. La dernière bouchée avalée, je me lève du lit et me dirige vers la porte. Luc l'a fermée à clef. Je m'y attendais un peu.

- Luc, tu es là ? J'ai fini mon assiette. J'en fais quoi ?

J'entends alors le cliquetis de la serrure et, quelques secondes plus tard, il passe la tête prudemment. Je lui sors mon sourire angélique, afin de faire la paix. Je l'ai senti bougon quand il est venu me donner à manger.

- Merci pour le repas.

- Je t'en prie, dit-il en la récupérant. Autre chose ?

J'affiche un sourire en coin.

- Tu comptes rester devant la porte toute la nuit ?

- Oui.

Je fais la moue. Il est repassé en mode chasseur impitoyable et je n'aime pas trop ça. En fait, je suis même un peu déçue. Je pensais qu'on commençait à passer à autre chose que cette relation chasseur lycaon. J'aurai préféré qu'il reste avec moi, qu'on discute. Je commence à m'habituer de l'avoir tout le temps sur le dos. Il faut dire que j'ai passé tellement de temps seule, que je me raccroche au moindre contact social.

- Je serai juste derrière la porte. Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là.

- Reste avec moi.

La phrase est sortie toute seule. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. J'aimerais bien ravaler les mots, mais trop tard ils ont déjà atteint les oreilles de Luc. Cela sonnait tellement désespéré que j'ai envie de me foutre des baffes. Je le vois sourire timidement.

- Il ne vaut mieux pas.

Et ilreferme la porte derrière lui, me laissant à nouveau seule avec moi-même.

Louve solitaire (en cours de correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant