Chapitre 51 (en cours de correction)

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Je grimpe sur la moto et la démarre. Les vibrations du moteur se répercutent dans tout mon corps. Je soupire d'aise, heureuse d'être enfin libre. Ma main se pose sur l'accélérateur, le caresse. Jamais je n'aurai pensé apprécié autant une machine. Elle représente autant des souvenirs douloureux qu'une promesse de libération. D'un coup sec, je retire la béquille et m'élance sur la route. Fréquenter des bikers, après ma mésaventure avec Hella, a été la meilleure idée de ma vie. Grâce à eux, j'ai appris à dompter cet animal mécanique et je peux à présent m'enfuir loin, très loin de tout cette merde.

La bécane glisse sur l'asphalte et je me laisse porter. La sensation grisante de sentir le vent fouetter mon visage me coupe presque le souffle. Filer loin de tout ça, prendre le large est devenu vital. J'ai passé trop de temps à pleurer, à ressasser toute cette douleur, cette haine. Elle me pourrit de l'intérieur. Il me faut l'accepter, qu'elle devienne une force et non une faiblesse. Mes doigts picotent, comme si je sentais encore le corps de Luc sous mes mains. Je pourrais pleurer, tellement ce souvenir est douloureux, mais rien ne vient. Et c'est tant mieux. Je me concentre sur la conduite pour vider mon esprit.

Je pousse la mécanique à son maximum, avale les kilomètres sans même m'en soucier. Cela fait un bien fou. Plus d'apocalypse, plus de Samuel, plus de Ach, plus de Luc. Juste moi et le vent sifflant dans mes oreilles. Les paysages défilent. J'ai quitté la ville. Tous ces gratte-ciels, cette foule, c'était oppressant. Je suis maintenant une route qui longe la baie mais je ne m'attarde pas pour l'admirer. Je veux mettre le plus de distance possible entre nous. De temps à autre, le démon s'amuse à me tordre les entrailles, me faisant grimacer mais je continue.

Malheureusement, je finis par m'arrêter, obligée de ravitailler la bête dans une station-service. Tandis que je remplis ce fichu réservoir, je trépigne d'impatience. Je dois repartir, c'est comme si j'avais le diable aux fesses. Ce qui n'est pas loin de la vérité.

Soudain, ma veste se met à vibrer. Merde ! J'ai gardé mon portable. Je l'attrape. C'est Samuel. Est-ce que je dois répondre ? Sans avoir le temps de pousser plus ma réflexion, mon doigt glisse sur l'écran malgré moi.

- Bordel ! Mais où es-tu, Ivy ?

Il est furieux. Sa voix tremble. Je ne sais pas quoi lui répondre. J'ai presque envie de balancer ce truc loin de moi, comme s'il me brûlait les doigts.

- Ivy, réponds-moi !

Son ordre cingle mes tympans et ma bouche s'ouvre toute seule.

- J'avais besoin de prendre l'air.

- Je veux savoir où tu es.

- Sur une route de bord de mer.

Ne te laisse pas prendre au piège, Ivy. Lutte, affirme-toi. Il est temps.

- Et puis merde ! Je suis assez grande pour m'occuper de moi-même et je n'ai d'ordre à recevoir de personne. On se retrouvera au point de rendez-vous, comme prévu. Inutile de me rappeler.

Je raccroche aussitôt. Mes cils se mettent à battre de manière anarchique. Je viens de l'envoyer se faire foutre en beauté. Il faut dire que je suis assez fière de moi sur ce coup. M'éloigner m'a permis de prendre de l'assurance. Samuel est toxique, je le sais. Cette relation m'oblige à être ce que je ne suis pas. Un être docile, qui le suit sans rien dire. Il était temps que j'ouvre les yeux.

- Pas question que je me laisse dicter ma conduite plus longtemps, démon.

Ma tête se met à tourner. Je prends appui contre la moto au moment où ma vue se trouble.

- Que crois-tu être pour me dire ce que je dois faire, humaine ?

- Quelqu'un de plus indépendant que toi, semblerait-il. Est-ce ton frère ou toi qui décide ? par ce que jusque-là, j'ai l'impression que c'est lui qui mène la danse.

Une douleur intense me déchire le ventre et je me plie en deux.

- Il suffit. Je ne suis aux ordres de personne, excepté de notre maître à tous. Cesse de me provoquer ou tu me supplieras de mettre fin à tes jours.

- Tu ne me feras rien et je le sais. Pas tant que l'apocalypse n'est pas arrivée. Tu as trop besoin de moi. Mais je te l'ai dit, j'accepte le sort qui m'attend. Je veux juste que tu me promettes une chose. Venge la mort de Luc. Tue celui qui a mis sa tête à prix. Le reste, je m'en fiche.

Le démon ne me répond pas. Je sens rire à l'intérieur.

- Si cela signifie causer douleur et dévastation, je suis partant.

- Bien, on a donc un accord. Mais pour l'instant, j'ai besoin de respirer. Alors fous-moi un peu la paix.

Pas de réponse. Je prends donc ça pour un oui.

Je paie le pompiste et enfourche la moto. Je roule sans but, me laissant porter par le bitume. La nuit est tombée mais je continue quand même. Je commence à frissonner, ma veste laissant le vent s'engouffrer sans vergogne, jusqu'à glacer mes os. Je sens mon corps s'engourdir à cause du froid et de la fatigue. Avant de piquer du nez et de me retrouver la tête la première sur la route, je décide de m'arrêter pour acheter de quoi dormir à la belle étoile. Rien que l'idée de m'enfermer encore dans une chambre d'hôtel me donne des palpitations.

Je me gare donc devant une supérette, qui est plantée là, au milieu de nulle part. Je pousse la porte. Une clochette sonne, indiquant à la vendeuse que quelqu'un vient d'entrer. Quand je passe devant la caisse, la blondinette grassouillette me jette un drôle de regard. Bon, ok, j'ai le look d'une junkie paumée et je viens de débarquer sur une moto de biker, dans un magasin perdu en rase campagne. Il y a de quoi se méfier. Du coup, je lui fais mon plus beau sourire, pour la détendre un peu. Peine perdue. Elle se crispe deux fois plus, et se cache derrière son magazine people.

Bon, ben tant pis pour la bonne impression. Je me dépêche de trouver ce dont j'ai besoin et je me casse. Alors que je viens de remplir mon panier avec de quoi manger et boire, la clochette se met à tinter de nouveau. Ensuite, aucun bruit à part la musique pourrie diffusée par les hauts-parleurs disposés un peu partout. Je continue mes courses comme si de rien n'était. Plus vite j'aurais fini, plus vite je me tire d'ici.

Au détour d'une allée, je tombe nez à nez avec une fille. Brune, typée hispanique, des yeux verts intenses mais froids comme la glace. Je ne sais pas pourquoi mais elle me file les jetons. Je me suis arrêtée net pour la détailler. Elle aussi. Je la sens se tendre. Son cœur accélère. Putain de merde, on dirait qu'elle va se jeter sur moi d'une seconde à l'autre. Sur le qui-vive, je l'observe plus attentivement. De toute évidence, elle n'est ni lycaon ni vampire. Pourtant, il se dégage d'elle une aura sombre, qui me met mal à l'aise. Ses poings se resserrent. Son pied avance vers moi. Je me prépare à l'affrontement quand un homme apparait à ses côtés. Un blond, plus grand qu'elle, à la coupe de cheveux singulière, rasé d'un coup et long de l'autre. Il ne me regarde même pas. Il se contente de chuchoter quelque chose à son oreille. Elle relâche aussitôt les poings et se tourne vers lui, avant de disparaitre dans une autre allée.

Louve solitaire (en cours de correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant