Chapitre 12 (corrigé)

6.3K 547 19
                                    


Mes pattes heurtent avec violence le sol humide de la forêt. Heureusement, le tapis de feuilles mortes étouffe ma course effrénée. J'ai essayé en vain de reprendre mon apparence humaine après le massacre, mais il faut croire qu'une transformation en dehors de la pleine lune rend l'inversion du phénomène plus compliquée. Tant pis, je ferais avec. Du moment que je réussis à mettre le plus de distance entre nous, le reste attendra. Le vent apporte déjà à mes oreilles le remue-ménage qui agite le chalet. Bientôt, ils vont découvrir les corps et vont se lancer à ma poursuite. La situation est plus qu'urgente.

Je quitte enfin la forêt et me retrouve sur le sentier que j'ai emprunté quelques heures auparavant. Fatalement, cela me renvoie à Luc. J'enrage d'avoir été si naïve, d'avoir cru que je pouvais leur faire confiance. Lui faire confiance. Luc les a laissés me prendre, me torturer. Ils ont bien failli me tuer à cause de lui. A tous les coups, il est de mèche. Toute cette cérémonie avec le Conseil, sa gentillesse, ce n'était qu'une mascarade. Crédule comme je suis, je me suis laissée aveuglée. Si un jour il recroise ma route, je lui ferai regretter de m'avoir mené en bateau.

La rage au ventre, je m'éloigne le plus possible de ce lieu maudit. Au bout de plusieurs kilomètres, la fatigue aidant, ma colère a diminué. Alors que j'approche d'une ferme isolée, je tente à nouveau de me transformer. Au prix d'un effort surhumain, j'arrive enfin à recouvrer mon apparence initiale.

Je m'adosse à un arbre et me laisse glisser au sol. Il faut que je reprenne mon souffle. Je pense que je suis en sécurité pour le moment. Je peux m'accorder quelques minutes de répit. Ma respiration a pourtant du mal à se calmer. Mon cœur bat à cent à l'heure. Mais ce n'est pas ce qui me perturbe le plus.

La colère s'est estompée et un sentiment plus désagréable a pris le relais. La honte. Je me sens tellement bête de m'être fait avoir aussi facilement. Pourtant, après avoir vécu tant d'années dans ma meute, je devrais savoir, je devrais être capable d'analyser le comportement des gens et anticiper leur trahison. Mais non. Luc a réussi à faire tomber mes barrières, juste avec son petit sourire et ses manières de prince charmant.

Je me sens flouée. Trahie. Je lui ai fait confiance. J'ai même commencé à croire qu'en fin de compte, ma vie pouvait prendre un autre tournant. Avec un ami chasseur, j'aurais pu espérer me fixer et vivre une vie paisible. Je le déteste pour ce qu'il m'a fait, ce qu'il m'a laissé espérer. Et je me déteste encore plus d'y avoir cru. Ma tête tape contre le tronc comme cela suffisait pour ôter ce sentiment infect. Mais la plaie dégoulinante de mon bras est là pour me rappeler mes erreurs. Ce connard a utilisé un couteau d'argent. Ca va prendre des plombes avant de cicatriser.

Il faut que j'arrête de me lamenter. Ce n'est qu'une perte de temps. Pour l'instant, la priorité, c'est de sauver ma peau. Je dois partir très loin et trouver un endroit pour me planquer. Mais avant, il faut que je m'habille. Se balader toute nue, ce n'est pas ce qu'il y a de plus discret. Je me rapproche de la baraque. Cachée derrière un buisson, j'observe l'intérieur. Tout est calme. Les gens qui y habitent dorment profondément. J'entends leur respiration apaisée. J'avance un peu plus près, rassurée. En contournant la bâtisse, j'aperçois du linge étendu. Profitant de l'aubaine, j'arrive à me dégoter une tenue plus ou moins à ma taille. Je déchire une bande de tissu dans l'une des chemises suspendues, pour me faire un pansement de fortune. Ainsi cachées par mes vêtements, mes cicatrices passeront inaperçues. Maintenant, je dois trouver une paire de godasses et de l'argent, ou sinon la suite risque d'être compliquée.

Je constate avec étonnement qu'une des fenêtres est ouverte. Ces gens sont complètements inconscients ! ils ne savent pas que dehors trainent des monstres de toutes sortes ? du genre... moi. Je réussis à me glisser à l'intérieur sans faire de bruit.

Louve solitaire (en cours de correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant