Nos affaires emballées et chargées dans la voiture, nous reprenons la route. Nous avons quitté les paysages vallonnés de Cherokee Forest pour prendre l'autoroute. Nous nous arrêtons seulement pour faire le plein ou quelques provisions. Je regarde les panneaux se succéder : Spartanburg, Columbia, Yemassee. Pour moi, ces villes se ressemblent toutes. Plus ou moins densément peuplées, plus ou moins défraîchies. Difficile d'apprécier les charmes de la Caroline du Sud quand on passe à fond la caisse, sans se poser vraiment.
La fin d'après-midi approche à grand pas quand nous finissons par franchir le fleuve Savannah, dernière barrière nous séparant de la ville typiquement sudiste du même nom. Et la nuit va suivre indubitablement. Il fait une chaleur étouffante. Cela me rappelle les durs mois de canicule dans le sud de l'Espagne, où j'avais été coursée par une meute, jusqu'à ce que je trouve un bateau en partance pour le Maroc. Cela ne m'avait pas réussi. La chaleur du désert m'avait tellement fatiguée que j'étais partie ensuite pour les pays scandinaves. Norvège, Finlande, Suède...
- On est presque arrivés, lâche Ach.
J'ai senti une pointe d'angoisse dans sa voix. Luc, assis à côté de lui, sur le siège passager, n'est pas mieux. Il est raide comme un piquet. Nous longeons un immense parc au centre duquel j'aperçois de loin une magnifique fontaine blanche. Toute cette eau qui jaillit me met l'eau à la bouche. Ce qu'il peut faire chaud ! Au détour d'une rue, notre voiture se gare devant une immense demeure victorienne d'un blanc immaculé. Les grands volets bleus et les colonnades encadrant l'entrée lui concèdent le charme suranné d'un monument historique. On pourrait presque croire que Scarlett O'hara va ouvrir la double porte en chêne d'une seconde à l'autre.
Nous descendons de voiture, aussi tendus les uns que les autres. Même Ach semble pris soudain d'une nervosité que je ne lui connaissais pas. Je prends une grande inspiration en traversant la route. Vu qu'on est arrivé là, autant aller jusqu'au bout. J'attrape la main de Luc, sans réfléchir. Il se retourne vers moi et me sourit timidement. Ce contact me donne un peu plus de courage. Ça a l'air de lui faire le même effet.
On monte les deux marches en marbre ensemble qui mènent au perron. Ach qui nous a précédé frappe à la porte. Quelques secondes plus tard, une jeune fille vient nous ouvrir. Le vampire nous annonce et bien vite, elle revient nous chercher. Je prends le temps de l'observer. Elle a le teint blafard et des cernes sous les yeux. Je comprends soudain pourquoi. Son col de chemise couvre à peine les morsures à la base de son cou. J'en ai un haut le cœur.
La servante nous conduit dans un grand salon de style victorien. De beaux fauteuils de velours rouge donnent à la pièce, décorée dans un style du début du 19e siècle, un air de maison hantée. Les armures anciennes et les bibliothèques aux murs n'arrangent rien à l'atmosphère pesante. Assise sur une méridienne, une jeune femme aux longs cheveux platines nous observent un sourire flottant sur ses lèvres. Je déglutis en regardant ses yeux bleus cristallins, presque transparents. Malgré son visage angélique, ils donnent l'impression d'être aussi durs qu'un morceau de glace.
- Voici mes deux petites curiosités, dit-elle d'une voix douce et enjouée.
De l'extérieur, elle semble être une gentille fille, douce et souriante, mais il faut se méfier de la beauté de l'innocence. Elle nous fait signe de nous approcher. Luc, qui ne m'a pas lâché depuis que nous sommes entrés, serre un peu plus fort ma main dans la sienne. Nous nous asseyons sur un canapé situé à une distance raisonnable du vampire. Ach s'installe face à nous. Son attitude est rigide, à mi-chemin entre l'agacement et la méfiance. Je pense que le comportement trop protecteur de Luc envers moi l'énerve un tantinet. Hella a l'air de trouver ça très amusant.
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Louve solitaire (en cours de correction)
WerewolfVous vous rappelez de cette histoire d'amour avec un loup-garou qui tombe amoureux d'une humaine, qui elle aime un vampire ? Eh bien, c'est tout l'opposé de ma vie ! La mienne n'est qu'une succession de galères, qui a débuté le jour de ma Métamorpho...