A vingt heures, nous prenons la route, toujours aussi silencieux. Depuis le déjeuner, nous n'avons échangé que des banalités. Ach a été avare de paroles et j'en étais heureuse. Me faire traiter de monstre m'a profondément retournée. Même si je l'ai déjà perçu dans le regard de certains, me l'entendre dire de vive voix, ça laisse un trou à la place du cœur. Les quelques heures, durant lesquelles je me suis murée dans le silence, m'ont permis de réfléchir à la situation. Il faut que je me rende à l'évidence : ce mot me colle parfaitement à la peau. J'ai tué quatre hommes, de sang-froid. Et je n'en éprouve aucun remord. J'en ai même retiré un certain plaisir. N'est-ce pas la définition même d'un monstre ?
- Nous sommes arrivés.
Je ne me suis même pas rendue compte que la voiture était garée sur un parking. Ach sort de la voiture et la contourne pour venir m'ouvrir la portière, mais je le devance. Avant que je ne puisse sortir complètement, il s'interpose, me bloquant contre la carrosserie.
- Vous me laissez parler. Contentez-vous de sourire.
Son ton abrupt m'agace mais je me bagarre déjà avec moi-même. Alors me lancer dans une joute verbale avec Mr le vampire psychorigide, très peu pour moi. Il ne manquerait plus qu'il essaie de me mordre. Je me contente donc de lui emboîter le pas. Mais je traine les pieds. Il ne s'en rend même pas compte. Ou alors il en a rien à faire. Qu'importe.
On contourne un bâtiment pour passer par une porte de service sur laquelle je peux lire « morgue ». Un vampire qui travaille dans une morgue ? c'est un peu ironique. Surtout que le sang des morts leur est fatal. A forte dose évidemment. Il ne risque pas de clamser à cause de quelques malheureuses gouttes.
- Bonsoir Docteur Vacaresko.
Un homme d'une quarantaine d'années, en uniforme, vient serrer la main de Ach, avant de reporter son attention sur moi.
- Je vous présente Jessica Hamby. Elle doit effectuer un stage à la morgue pour son internat. Alors je lui ai proposé de m'accompagner ce soir. Cela ne pose pas problème, j'espère !
Je tique un peu mais serre la main de l'homme, en souriant poliment.
- Absolument pas, Docteur. Je sais que vous êtes un mec réglo. Vous vous occuperez des papiers plus tard. Rien ne presse.
Je hausse les sourcils, étonnée que le vigile ne s'embarrasse pas plus que ça de formalités. Je les observe échanger quelques banalités, puis l'homme reparte, après nous avoir salué courtoisement. Dès qu'il a disparu derrière une porte, je me tourne vers Ach.
- Jessica Hamby ? Sérieusement ! le vampire dans True Blood ! Et vous êtes sûr qu'il ne va pas se douter de quelque chose.
- Désolé, je n'ai pas pu résister ! s'esclaffe-t-il. Et ne vous inquiétez pas. Ce n'est pas du tout son genre de croire aux vampires et autres créatures. C'est un fervent catholique. Nous échangeons souvent à ce sujet. Ironique, n'est-ce pas !
Le vampire repart, en se bidonnant. Je lève les yeux au ciel. Complètement givré ce vampire ! En quelques enjambées, je le rattrape.
- Vous travaillez dans une morgue ?
- Oui, c'est un boulot de nuit très calme. En général, les gens que j'y rencontre sont morts, donc pas de danger qu'ils aient des doutes sur ce que je suis.
- Mais vous ne risquez rien ? enfin, je veux dire, avec leur sang ?
Ach affiche un sourire en coin et lâche un soupir. J'ai l'impression qu'il me prend pour une vraie demeurée.
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Louve solitaire (en cours de correction)
WilkołakiVous vous rappelez de cette histoire d'amour avec un loup-garou qui tombe amoureux d'une humaine, qui elle aime un vampire ? Eh bien, c'est tout l'opposé de ma vie ! La mienne n'est qu'une succession de galères, qui a débuté le jour de ma Métamorpho...