Chapitre 55 (en cours de correction)

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Alors que nous dévalons la pente à toute vitesse, la première chose que je perçois, ce sont les odeurs. Le vent draine des effluves de chair grillée et de sang frais. Un besoin irrépressible de massacre m'envahit. Une folle envie de tout déchiqueter prend le dessus, alimentée par l'odeur de mort et les cris de souffrance.

La bête se transforme en quelques enjambées. Mes vêtements partent en lambeaux. Mon corps se couvre d'une épaisse fourrure noire. Me voilà de nouveau louve. Prête à tuer pour servir le maître des Enfers.

Plus j'avance, plus les corps mutilés tapissent le sol. Des loups éventrés, des vampires décapités. Mais pas la moindre trace d'anges. Soudain, une lumière éclatante m'oblige à plisser des yeux.

Un homme vient d'apparaitre. Un halo blanc intense entoure tout son être. Il est armé d'une simple épée et avance d'un pas assuré à travers la mêlée. Il fend et pourfend toute créature qui l'attaque. Il émane de lui une sorte de beauté parfaite. Mélange de pureté et de férocité.

Son regard ne trompe pas. Il est là pour tuer. Il n'a aucune pitié. Il est le bras vengeur de Dieu.

Soudain, un vampire apparait derrière lui et, avant qu'il ne puisse réagir, lui plante ses crocs dans la carotide. L'être de lumière se fige, tente de se libérer. Mais déjà le venin fait son effet et lentement il s'affaisse au sol. Sa lumière s'éteint doucement et la vie le quitte. C'est donc ça un ange ? pas d'aile ? juste un être humain habité par une âme divine. Comme le ferait n'importe quel démon. Ne sommes-nous donc que des sacs à viande pour les esprits du paradis et de l'enfer ?

Mon démon me rappelle à l'ordre et repart dans sa course folle. Au détour d'un chemin, nous arrivons sur une plage de galets. C'est ici que se déroule le réel affrontement. De toute part, démons et anges se ruent dessus, se confrontent. Tantôt ce sont les anges qui prennent le dessus, tantôt les démons égorgent et éviscèrent à tout va.

Sans plus attendre, je me lance dans la foule. Rien ne me résiste. Les membres se détachent avec une facilité déconcertante. Mes mâchoires se referment allègrement sur les gorges à ma portée. Parfois, elles vont sacrifier un autre démon, mais je m'en fous. Seule ma soif de sang me guide. De son côté, Samuel n'est pas en reste. Autant ma fourrure est noire comme la nuit, autant la sienne est d'un blanc éclatant. Maintenant, elle est teintée d'un rouge luisant et poisseux. Celui du sang de tous les anges qu'il massacre allégrement, avec la précision d'un métronome.

Alors que j'admire sa dextérité, une flèche vient se ficher dans ma patte arrière. Je jappe sous l'impact. Ach apparait aussitôt à côté de moi et retire le projectile. Je grogne mais le laisse faire. Son regard est empreint d'inquiétude. Samuel se rapproche de nous, tout en grognant.

(- Tu dois rester en vie, coûte que coûte. Utilise donc ton laquais comme bouclier. Qu'il serve au moins à quelque chose !)

(- Va donc t'occuper de tes oignons, frérot. Je n'ai d'ordre à recevoir de personne.)

Ma mâchoire claque à quelques centimètres de sa gueule. Samuel s'emporte et me saute dessus. Sauf que je ne suis pas du genre à me laisser faire. Je l'attrape à l'encolure et l'envoie valser plus loin. Il est peut-être le plus manipulateur, mais je suis la plus féroce.

- Assez !

La voix d'Azazel résonne dans nos têtes. Je gémis de douleur. Il est partout, s'insinue dans la moindre de mes pensées, me torture. Mon corps se plie à sa volonté et je m'incline devant lui.

- Hati, tu dois mettre en laisse cet esprit. Ta survie est indispensable pour que les portes restent ouvertes. Tant que notre maître n'a pas franchi les limites des Enfers, nous restons vulnérables.

Mon museau frotte le sol pour prouver ma soumission. Je sens encore le regard d'Azazel peser sur moi et les flammes qui dévorent mon âme ne disparaissent qu'une fois qu'il s'est éloigné. Mon soulagement est de court répit. L'air vient soudain à manquer. Je suffoque.

(- Maintenant, tu m'obéis ou je ferais en sorte que ta souffrance dure tout le combat.)

Il relâche la pression et repart à l'attaque. Epuisée par ses deux affrontements, je le laisse faire. Du sang, des cris. Mon paysage se colore de rouge et de peine. J'ai l'impression de m'enfoncer un peu plus dans la noirceur. Je suis épuisée. Je n'arrive plus à lutter. A quoi bon ? Les dés sont déjà jetés. Et l'issue me sera de toute façon fatale. Je périrais de la main d'un ange, ou de celle d'Hati.

Le démon continue à massacrer à tour de bras. Rien ne l'arrête. A ces côtés, Ach participe au carnage. Il montre autant de cruauté que les autres démons. Après tout, il n'est rien d'autre que ça. Un démon au service de Lucifer. Ses sentiments à mon égard ne peuvent changer sa nature profonde.

Hati décide soudain de reprendre forme humaine. Il faut dire que le loup est certes plus puissant mais il est plus coûteux en énergie. Et s'il veut tenir sur la durée, il fait bien de reprendre son corps d'origine. Cela ne l'empêchera pas de tuer. Je le faisais allègrement de cette manière.

Un ange se précipite sur nous, l'épée levée prête à nous couper en deux. Sans aucun effort, Hati évite l'assaut et enfonce ses doigts dans la cage thoracique du malheureux. Lentement, il se fraie un chemin à l'intérieur. Ma main se referme sur le cœur encore palpitant. Je sens sa douce chaleur se répandre sur ma paume, tandis que ses battements sont comme des caresses. Puis, d'un geste sec, Hati l'arrache pour le contempler de plus près. L'ange, dont les yeux se sont écarquillés de surprise, tombe dans un bruit sourd.

Autour de nous, les chevaliers de Dieu marquent un temps d'arrêt devant le spectacle. Hati leur lance un regard de défi, tout en approchant de ma bouche le cœur encore frémissant. Mes dents s'enfoncent dans la chair tendre avec bonheur. Son goût est encore plus délectable que celui des humains. Cette parcelle de divinité insuffle un regain d'énergie au démon. Un rire gutturale s'échappe alors de ma gorge. Le rire sinistre de Hati qui s'amuse comme jamais.

- Je vous attends, les chérubins. Venez donc alimenter ma soif de sang !

Les anges pris soudain d'une rage incommensurable se jettent par dizaines sur nous. Mais Hati n'en a que faire. Il est bien plus puissant, plus rapide. Il les massacre sans le moindre effort. Ce combat est complètement déséquilibré.

Soudain, je me fige. Une énergie nouvelle, plus intense, vient de faire son apparition. Je me retourne lentement vers elle. De l'autre côté de la rive, un homme irradie d'une lumière bien plus forte que les autres. Dans son dos, semblent se dessiner des ailes. Elles ne sont pas réelles. Juste des ombres mais elles laissent entrevoir que cet ange est différent. Un archange, me fait comprendre Hati.

- Gabriel ! lâche-t-il avec satisfaction. Je t'attendais. Il est temps de reprendre le combat où nous l'avions laissé la dernière fois.

Plusl'homme se rapproche, plus je tremble. De peur, évidemment. Mais pas à cause del'archange. A cause de l'hôte qu'il a choisi. Luc.    

Louve solitaire (en cours de correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant