Chapitre 3 (corrigé)

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Mon père me conduit dans une clairière au beau milieu du parc de Killarney. Il nous a bien fallu une heure de marche pour y arriver. La nuit commence à tomber et je me les gèle. Je ne comprends pas pourquoi il a voulu qu'on vienne ici, surtout en pleine nuit. Depuis mon anniversaire, depuis qu'ils m'ont laissé souffrir le martyr sans lever le petit doigt, je ne fais plus confiance à mes parents. Je suis sûre qu'ils sont devenus fous – à moins qu'ils ne l'étaient déjà et que je n'avais rien vu. Ils m'ont encore rabâché cette histoire de loup-garou et n'en démordent pas. Avec toutes leurs conneries surnaturelles, on est peut-être en train de passer à côté de quelque chose de grave. J'ai peut-être un cancer ou pire, une maladie génétique qu'ils m'auraient refilé et bientôt je serais aussi cinglée qu'eux.

Pourtant, me voilà en train d'arpenter les sentiers du parc, talonnant mon père. Quand il me l'a proposé, j'ai cru halluciner. Les sorties en forêt père-fille, très peu pour moi, surtout que ce n'est pas du tout son genre. Mais son ton impérieux et son regard dur ont bloqué dans ma gorge mon refus. Pourtant j'avais une envie folle de lui cracher d'aller se faire foutre, mais rien à faire, les mots n'ont pas réussi à franchir la barrière de mes lèvres. Alors j'ai abdiqué et me voilà en train de souffler comme un buffle derrière lui. D'ailleurs, il est en sacré forme pour son âge. Je me sens particulièrement ridicule à ne pas réussir à le suivre. Mon égo est en train d'en prendre pour son grade. De loin, je vois apparaitre la pleine lune, à travers les arbres. Elle me semble différente ce soir. Plus éclatante, plus intense. Mes pas ralentissent. Mon regard détaille chacune de ses courbes, absorbe sa lumière nacrée. Le monde autour s'efface peu à peu. Je ne vois plus qu'elle. Enorme, si attirante, si parfaite.

Soudain, mon père stoppe net. Je manque de lui rentrer dedans tellement j'étais concentrée sur elle. Je secoue la tête pour chasser cette impression bizarre qui flotte dans mon esprit.

- On va s'arrêter ici, me dit-il, alors qu'on vient tout juste de dépasser les derniers arbres.

L'herbe de la clairière est assez haute. Elle m'arrive mi mollet. Elle est toute douce et sent bon le printemps. Cela fait quelques semaines qu'il a pris le pas sur l'hiver. J'en suis ravie. Je commençais en avoir marre de m'emmitoufler dans mon grand manteau. Je jette un coup d'œil à mon père. Il est droit comme un i, le nez en l'air comme s'il essayait de renifler quelque chose. Vraiment trop bizarre.

- Tu devrais retirer tes vêtements maintenant. La pleine lune arrive.

Mes yeux s'écarquillent et ma mâchoire menace de se détacher. Mon père a pété un câble ! Pas question de me déshabiller ! qu'est-ce qu'il lui prend ? Il va trop loin. C'est au-delà d'une folie passagère que je peux tolérer. Me déshabiller, n'importe quoi ! Je commence à faire demi-tour quand sa voix m'arrête dans mon élan et me cloue sur place.

- Isadora, arrête de faire l'enfant et retire tes fichus vêtements.

Mon sang se glace. Parfois, il y a un je ne sais quoi dans sa voix qui me terrifie. Une pointe de férocité, de sauvagerie qui me fait renoncer à toute envie de résister. Pourtant, au lieu d'obéir, je fais volte-face et me contente de l'observer. S'il tente le moindre mouvement déplacé vers moi, même s'il me fiche la trouille, je hurle à la mort et je me tire d'ici. Les yeux de mon père prennent alors une teinte dorée que je connais déjà. Celle qu'ils ont quand la colère le submerge.

- C'en est assez, hurle-t-il alors. Obéis immédiatement. Je n'ai pas envie de ramener des vêtements en lambeaux à ta mère.

Je sursaute. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Il compte les déchirer ! Il veut me violer ! Oh mon dieu ! Mon visage devient blême et je me mets à trembler de tous mes membres. Son regard se fait plus dur, plus brillant et je comprends que je n'ai pas vraiment le choix.

Louve solitaire (en cours de correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant