Chapitre 46 (en cours de correction)

2.3K 240 45
                                    

Samuel claque bruyamment la portière, se saisit du téléphone resté sur le siège et compose à la hâte le numéro. Tandis qu'il attend que son interlocuteur réponde, il essuie consciencieusement le sang sur son visage. Il ne s'est pas changé en loup-garou, mais vu l'état de son costume, il a largement participé au massacre. Ach, à côté de moi, ne vaut pas mieux. Son air sombre et ses yeux violets reflètent la violence du combat.

Je regarde mes mains couvertes de sang, de substances poisseuses. J'ai tué. J'ai tué avec plaisir, en pleine conscience, pour combler le vide. Mais il est toujours là. Le trou béant dans ma poitrine. Le temps du combat, il s'est rempli de colère, de haine. Mais maintenant que tout est fini, il est redevenu ce gouffre sans fond dans lequel je me perds. Mes mains se plaquent sur mon visage. J'ai envie de m'arracher la peau, j'ai envie de mourir là, maintenant. Quand nous avons quitté l'entrepôt, le cœur de Luc battait à peine. Je suis sûre qu'à présent, il n'est plus. Je veux qu'il revienne. Je veux le prendre encore dans mes bras, embrasser ses cheveux, ses lèvres. Mais il ne reviendra pas. Il est parti. Pour toujours.

Alors que le démon prenne mon âme, qu'il en fasse ce qu'il veut. Tout n'est que laideur autour de moi. Je veux tout détruire, tout réduire en cendres, comme ils ont piétiné mon cœur. Ach pose sa main sur mon épaule. Je m'en détourne. Je ne veux pas de sa piété. Je veux seulement de sa haine. Je veux qu'il m'aide à les faire payer. Tous. Il retire sa main, parce qu'il comprend. Je sais qu'il comprend.

- Putain de merde Hella ! C'était quoi ce merdier ? Les chasseurs nous sont tombés dessus !

Samuel se met à vociférer. Il hurle. Sa voix résonne dans ma tête, réveillant mes sentiments haineux. Je sers les dents pour ne pas exploser. Mais il continue à crier. Les mots me percutent avec violence.

- Bordel de merde ! Tu vas la fermer !

Mon cri a été si fort, si rauque que Samuel et Ach se sont figés. J'arrache le combiné de ses mains et le plaque contre mon oreille.

- Ecoute-moi bien, Connasse. J'espère que tu n'es pas à l'origine de tout ça, sinon je me ferais un plaisir infini de te torturer jusqu'à la fin des temps. Maintenant, tu vas ramener tes fesses illico à l'appartement de Samuel pour qu'on planifie ce putain d'Apocalypse. Et ne t'avise pas de faire la moindre réflexion ou je te jure que tu vas le regretter.

Je raccroche aussitôt, n'attendant pas sa réponse. D'ailleurs, je m'en contrefous. Qu'elle vienne ou pas, je n'en ai rien à faire. Au contraire, cela me donnera une raison supplémentaire pour déchainer ma colère sur sa sale petite tronche. Samuel récupère le téléphone et fais signe au chauffeur de démarrer. Ses yeux me questionnent, ils fouillent dans mon âme. Un sourire machiavélique s'étire sur ses lèvres. Il a de bonnes raisons d'être content. Maintenant, plus rien ne me retient. L'Apocalypse s'abattra bientôt sur l'humanité comme un fléau. Il nettoiera la Terre de cette vermine, à tout jamais.

La colère m'aveugle. Mon esprit s'abîme dans un gouffre de tourmentes. Je ne vois plus rien autour de moi. Je ne veux plus rien voir. Je me laisse aller, fermant les yeux, la tête contre la vitre. Les larmes ne veulent plus couler. Mon cœur est définitivement asséché. Quand la voiture s'arrête enfin, Samuel me tend sa veste. Je la saisis, sans rien dire, et l'enfile pour cacher ma nudité. Comme si c'était important.

Nous arrivons à l'appartement. Je file me doucher. J'ai besoin de me débarrasser de toute cette merde humaine. L'eau brûlante incendie ma peau, me fait mal, mais elle me nettoie. Le sang, la peau, la chair déchiquetée. Tout doit partir. Je me frotte à m'en arracher des lambeaux de peau, jusqu'à saigner. Mais je m'en contrefiche. Ce n'est rien comparé au feu qui consume mon âme. Le démon se repait de ma souffrance, de mon désespoir. Autant que de ceux que j'ai tué.

Je ferme enfin le robinet. Lentement, mes blessures se referment. Mes blessures physiques. Comme une malédiction. Le corps survit quand l'esprit meurt. Pourquoi ? Pourquoi mon cœur t'es-tu ouvert ? Pourquoi l'as-tu aimé ? Pourquoi l'as-tu conduit à sa perte ? Mon souffle est court. Je n'en peux plus. Soudain, une présence près de moi. Ach. Je sens son souffle glacé. Il me prend délicatement dans ses bras, mais je ne réagis pas. Je ne veux pas réagir. Il se colle dans mon dos. Son contact me laisse de glace. Je ne veux pas. Pas encore une fois. Je ne veux plus m'attacher. Je referme les grilles de la prison sur mon cœur, l'enterre définitivement. Je me dégage de son étreinte et vais m'habiller. Sans rien dire. Machinalement.

Je descends l'escalier. Samuel est là, assis dans le canapé, en compagnie de la sorcière. Il se lève en me voyant. Mon regard croise celui de Hella. Aussitôt, son sourire satisfait s'efface. Elle a compris. Elle a lu. Ivy est morte, dans ce hangar. Avec Luc. Ne demeure que son enveloppe. Ne reste que sa haine.

- Quelqu'un nous a vendu, enchaine Samuel. Ce n'est pas un lycaon, c'est certain.

- Insinuez-vous que ce serait un vampire, rétorque la vampire, d'une voix suave. Nous voulons la même chose, Samuel. Pourquoi irais-je risquer de mettre en péril l'avènement de notre maître ? Si l'un de vous deux meure, tout sera perdu.

Assise aux côtés de Samuel, je les observe tous les deux, se complimentant, se tournant autour comme des animaux en rut. Et j'ai envie de hurler. Toute cette diplomatie me donne envie de gerber.

- Parce que je vous ai refait le portrait, par pure vengeance, pour nous affaiblir, nous les lycaons, pour récolter toute la gloire, parce que vous êtes une putain de garce. Les possibilités sont infinies.

Hella me dévisage, surprise par tant de hargne. Et mon démon rit. Heureux de pouvoir enfin s'exprimer. Enfin libre de faire ce qu'il veut.

- Jamais je n'oserais... balbutie-t-elle.

La main de Samuel se pose sur la mienne. Pour m'apaiser. Pour apaiser le démon. Je frissonne à son contact et pour la première fois, je la vois. Cette aura maléfique qui flotte autour de lui. Noire, intense. Mon démon se calme, répondant à l'appel de son jumeau. Je baisse la tête et me concentre sur les brins carmin du tapis persan sous mes pieds.

- Nous sommes heureux de l'entendre, continue-t-il. Maintenant, mettons donc en place tout cela, voulez-vous.

Ilsreprennent leurs palabres, mais je n'écoute plus. Je ne veux plus écouter. Jeretourne dans ma prison, où désormais je vivrais, ne sortant que pour lâcher macolère sur ces maudits humains.    

Louve solitaire (en cours de correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant