Lone Wolf (Tome 1 & 2)

XIII

Quand on se fait assommer par un coup sur la tête, croyez-moi que le réveil est loin d'être la chose la plus agréable qui soit. Ce sans couilles de Peke a osé lever la main sur moi. Et en plus, il ose rester mystérieux en omettant de me donner des explications.

J'ouvre les yeux et me mets en position assise. J'observe ce qui m'entoure et la surprise m'envahit lorsque je me rends compte que je suis chez moi. Enfin, plutôt chez mes parents, dans mon ancienne chambre qui n'a pas changé. Un sentiment que je n'arrive pas à définir s'empare de moi. Les larmes me montent aux yeux.

- Hailey, ça va ?

Je me tourne vers la voix féminine et me jette dans les bras grands ouverts. L'odeur de ma mère emplit mes narines et cette fois, je ne peux empêcher mes larmes de couler. Maman me berce tendrement et me chuchote quelques mots réconfortants.

- Eva m'a prévenu que tu n'étais pas bien avec l'Alpha Daniel. Oh ma chérie... Si tu savais comme je m'en veux de ne pas avoir insisté pour que tu restes ici !

J'arrive à lâcher un rire, même s'il n'y a rien de drôle. Parce que toute cette situation est absurde. Et cette absurdité me fait pleurer jusqu'à ce que le soleil se couche. Ma mère est allongée à mes côtés et me caresse les cheveux.

- Maman ?

Ma voix enrouée est si différente de d'habitude que l'on dirait une autre personne.

- Qu'est-ce que j'ai fait de mal ?

- Que veux-tu dire, ma chérie ?

Je me dégage de son étreinte et m'assois en tailleur sur mes draps roses.

- C'est vrai quoi ! Mon âme-soeur ne veut pas de moi. À qui c'est déjà arrivé ça ? Je veux des noms.

Ma mère reste silencieuse et m'observe de cet air que seules les mères ont.

- Tu ne peux pas m'en donner et tu sais pourquoi ? Parce que je suis la seule. Je ne sais pas ce que j'ai fait à la Déesse, mais j'ai vraiment dû l'emmerder pour qu'elle me fasse subir ça.

Ma mère soupire et se redresse, les lèvres pincées.

- Quand je te vois agir de cette manière, j'ai l'impression de me regarder dans un miroir.

Un sourire fugace traverse son visage avant qu'elle ne reprenne son sérieux.

- Ce n'est pas de ta faute, Hailey. Ne pense jamais ça, tu es une fille merveilleuse. Ton père et moi sommes si fiers de toi.

Ses paroles me touchent plus que de raison. Ma mère a toujours su avoir les mots sur tout. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle est si précieuse à mon père lors des réunions avec d'autres meutes.

- C'est ce loup qu'il faut blâmer. Il ignore tout de ce que sa décision peut engendrer. En refusant votre lien, il renie l'essence même de son loup. Je ne sais pas ce qui l'a poussé à prendre cette décision -le fait d'être libre de ses propres choix, peut-être-, mais il vous met en danger. Défier la Déesse n'est jamais bénéfique.

Ma mère est la femme la plus gentille au monde. Enfin, c'est que je pense depuis que je suis capable de penser. Ses paroles ne font que les confirmer.

- Tu dis ça pour me réconforter.

- C'est pas faux, accorde-t-elle avec un sourire. Essayer de remonter le moral aux personnes que l'on aime est une deuxième nature chez l'homme, comme chez le loup, d'ailleurs. Tu verras lorsque tu seras amoureuse d'un loup.

Je m'apprête à lui répondre que ça n'arrivera jamais, mais Eva entre comme une furie dans la pièce.

- La meute de Daniel arrive. Je crois que l'Alpha est très très très énervé.

Ma mère se lève d'un bond et plisse les yeux.

- Pas autant que moi.

Elle sort de ma chambre la tête haute, prête à en découdre. Eva me regarde d'un air inquiet.

- Tu vas bien ?

- Aussi bien que quelqu'un qui vient de prendre un coup sur la tête.

Elle m'adresse un sourire désolé et me tend des vêtements simples : un jean sombre et un t-shirt noir pour que je puisse affronter Daniel avec un minimum de dignité. Je suis toujours un peu sonnée, aussi mes mouvements ne sont pas totalement coordonnés, j'ai un peu de mal à enfiler le jean étroit.

- J'ai été surprise lorsque ta mère m'a annoncé qu'un mec l'avait appelé pour lui dire de venir te chercher à la limite du territoire de l'Alpha Daniel.

- Peke...

Alors comme ça, il disait vrai. Je vois qu'il n'a pas fait les choses à moitié, car ma valise est posée au centre de la pièce. Je regrette de ne pas l'avoir cru, cela m'aurait évité de perdre du temps et une bosse dure sur la tête.

- C'est quoi ça "Peuque" ?

- C'est le Bêta de Daniel.

Eva reste interdite et sa fine bouche forme un "O" parfait.

- C'est lui qui t'a aidé à t'enfuir ? C'est encore plus flippant. Quelque chose ne tourne vraiment pas rond chez lui.

Elle n'a pas tort. Pour que le Bêta organise ma fuite tout seul sans rien demander en retour, c'est plus que flippant, c'est carrément glauque. Normalement, les Bêtas sont fidèles à leurs Alphas. Daniel a dû faire quelque chose de vraiment grave pour que Peke le trahisse de la sorte.

Ma mère m'a appris un jour que lorsqu'un Bêta va contre les ordres de son Alpha, il risque l'exclusion à vie ou pire, la mort. Alors pourquoi Peke a-t-il risqué sa vie pour m'éloigner de la meute ?

- Je ne sais pas ce qu'il lui a pris, mais il m'a rendu un grand service.

Eva hausse les épaules et attend sans un mot que je finisse de me démêler les cheveux. Ma valise est à présent grande ouverte sur le lit et dégueule d'affaires qui étaient, quelques secondes plus tôt, bien rangées.

Une fois que j'estime avoir réussi à discipliner ma tignasse, je me tourne vers ma meilleure amie et lui adresse un sourire peu convaincant.

- Ça va aller, Hailey.

Sa tentative de me rassurer est la bienvenue, même si elle est inutile. Alors les battements de mon coeur s'affolent lorsque je descends jusqu'au salon accompagnée d'Eva. Il est d'ailleurs sur le point d'exploser quand je croise les prunelles furieuses de Daniel qui me toisent de toute sa hauteur. Ouais, franchement appelez un médecin parce que je vais faire un arrêt cardiaque, c'est sûr.