VIII

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Lorsque la sonnerie de mon téléphone me tire du sommeil, pour une fois, je n'ai pas envie de me lever. C'est étrange, car je n'ai jamais eu cette non-envie de me lever. Enfin, j'entends un bruit sourd. Je me lève d'un bond et attrape le poignard en argent caché sous mon oreiller. À pas feutrés, je me dirige vers l'origine du bruit se trouvant être dans le salon. La porte de ma chambre grince légèrement et je peste intérieurement pour être ce genre de personne qui remet tout à demain. Ça m'apprendra. Je calme ma respiration qui s'est emballée et avance lentement. Des bruits de casserole résonnent et je commence à me dire que c'est vraiment très étrange.

J'arrive dans l'immense salon et aperçois de là où je suis le dos d'une fille. Toute la soirée de la veille me revient alors en mémoire. Eva se retourne, une spatule en bois à la main et se fige en m'apercevant. Son regard est fixé sur ma main. Merde... Cette main qui tient le poignard en argent. Je m'avance et le pose sur le comptoir à ma droite. Eva ne me quitte pas des yeux.

- Mon instinct me hurle de partir le plus vite possible de chez toi, m'avoue-t-elle.

Je m'autorise un sourire amusé. Je me sens comme une enfant prise la main dans le sac. N'y a-t-il pas un peu de vérité dans cette situation ? Eva a tout à fait le droit de péter un plomb et de s'enfuir à l'autre bout de la planète pour m'éviter.

- Mais quelque chose me dit que si tu avais vraiment voulu me poignarder, tu l'aurais déjà fait, n'est-ce pas ?

Sa phrase me surprend quelque peu. Je prends place sur un tabouret et croise les bras.

- Je n'ai pas l'habitude d'avoir de la compagnie. Je ne me souvenais plus que tu étais là, excuse-moi. J'ai... paniqué.

Eva pose une assiette de pancakes devant moi, une expression neutre sur le visage.

- Pas de compagnie ? Même pas quelques beaux mâles ?

- Je ne les emmène pas ici.

Elle m'adresse un regard entendu, puis s'installe face à moi.

- C'est quoi ton petit secret ? Tu travailles pour la mafia russe ?

Je pouffe. Si seulement c'était aussi simple que ça. Je secoue la tête et englouti un pancake rapidement sous son regard scrutateur.

- Rien de cela, non. Je suis juste une femme seule qui a juste eu peur pour sa vie.

Le mensonge, je n'aime pas ça. Pourtant il fait partie intégrante de ma vie. Mais mentir à ce qui se rapproche le plus d'une amie m'embête beaucoup. Eva semble déçue. Serait-elle au courant de mon « petit » secret ? Ou alors elle se doute simplement que quelque chose ne tourne pas rond chez moi ? En même temps, le poignard en argent sur le comptoir n'aide pas vraiment à plaider en ma normalité.

- Que souhaites-tu faire aujourd'hui ? Les boutiques ? Me propose-t-elle.

- Je dois travailler. J'en ai pour une heure ou deux et après nous pourrons passer l'après-midi ensemble. Ça te va ?

Elle hoche la tête et je la quitte pour me préparer. Un loup-garou a été capturé dans la nuit, j'ai la mission de le faire parler. En somme, de le torturer. Je laisse les clés à Eva en lui promettant que ça ne sera pas long.

Je retrouve Aaron dans une usine désaffectée. Je me sens un peu mal à l'aise en sa présence à cause de la veille. Son attitude envers moi est vraiment étrange. Depuis que je le connais, il a toujours été quelque peu distant avec moi, et là, soudainement, il semble me porter un intérêt venu de nulle part. Je ne saurais dire si j'aime ça ou non.

- Il a un peu lutté, donc nous l'avons un peu abimé... Mais je pense que ça ira.

Je ne réponds rien et entre dans une pièce au sous-sol. Aaron me suit de près. Le loup est attaché sur une chaise, la tête baissée. Mes pas résonnent dans la pièce vide. Il n'y a que nous, ceux qui l'ont amoché sont partis se reposer. Je m'avance vers le prisonnier et l'entends renifler avant de relever la tête.

L'état de son visage me fait frissonner. Les yeux gonflés qui tentent d'apercevoir quelque chose, la lèvre éclatée, les tempes ensanglantées. Ils n'y sont pas allé de main morte... Cela va être plus compliqué pour moi de le faire parler s'il est déjà tellement amoché qu'il n'a plus rien à perdre.

- Toi... souffle le loup.

Sa tête part sur le côté sous l'effet de la gifle que je viens de lui donner. Aaron émet un ricanement.

- T'ai-je donné la permission de t'adresser à moi ? Je ne crois pas.

Le loup m'observe comme il peut, gêné par ses blessures. J'aperçois alors une chaise en fer face à lui et j'y prends place. Un projecteur est dirigé vers lui, l'aveuglant à moitié. Il paraît que ces monstres sont dotés d'une vue supérieure à la notre.

- Les règles du jeu sont simples, je pose les questions, tu réponds. Si tu me réponds correctement, tu seras récompensé.

Je sors un petit paquet de gateaux pour chien et le secoue devant son visage. Il me fixe sans un mot, ma petite blague ne semble même pas le faire réagir, je dois avouer que je suis déçue.

- Ok, on va jouer à ton jeu. Mais que tous les deux. Je ne veux pas que l'erreur soit là plus longtemps.

Je sens Aaron bouillonner de rage. Il s'avance, sûrement pour le frapper ou que sais-je encore, mais je le retiens, attrapant son bras sans ménagement.

- Aaron s'il te plaît...

Il me lance un regard indescriptible avant d'obtempérer. Il se dégage de ma poigne et recule.

- Tu vas regretter de m'avoir appelé comme ça, grogne-t-il avant de quitter la pièce en claquant la lourde porte.

J'inspire et expire lentement avant de me concentrer de nouveau sur ma tâche. Le monstre m'observe avec une grande curiosité, renifle comme le putain de clebs qu'il est, me faisant reculer. Il fronce les sourcils avant de secouer la tête.

- Putain, Hailey, je peux savoir à quoi tu joues ? 

Lone Wolf (Tome 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant