VII

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Installées sur le divan de mon salon, nous nous fixons toute deux dans le blanc des yeux. Ma psy fait toujours ça pendant nos séances, ça m'oblige à lui raconter tout ce qui me traverse la tête. C'est une technique qui marche très bien, car enfin, mon invitée ouvre la bouche.

- C'est... spacieux chez toi, dit-elle en lorgnant un tableau qui a coûté pas moins de cinq mille dollars -une petite folie de ma part-.

Je lui adresse un sourire amusé en lui tendant une bière qu'elle attrape sans hésiter.

- Je gagne bien ma vie, je réponds en balançant mes chaussures loin de moi.

Je m'allonge ensuite en soupirant d'aise. Ce petit footing m'a vraiment fait du bien.

- Ah bon ? Tu travailles dans quoi ?

- Je pensais que tu allais me raconter à quel point ton ex est un con fini, je change de sujet.

Elle ne s'offusque pas de ma non réponse et hausse les épaules.

- Il n'est pas con, il est juste... Enfin c'est Kyle, quoi...

À l'énonciation de son nom, je sens quelque chose remuer au fond de mes entrailles. Je papillonne des yeux pour cacher mon trouble. Les lumières tamisées rendent le visage d'Eva -j'ai enfin pu connaître son nom sur le chemin du retour- sombre. Elle souffre et pour une raison que j'ignore, je me sens mal pour elle. Peut-être qu'en l'espace de quelques heures, je me suis vraiment prise d'affection pour cette femme.

- Après tout, tu ne le connais pas, donc tu ne peux pas savoir. Il est indescriptible et crois-moi, il est impossible de ne pas tomber follement amoureuse de lui, continue-t-elle.

- À ce point ?

J'ose pouffer, mais me reprend bien vite devant son air sérieux. Son regard est si triste que je me sens coupable de m'en amuser.

- Oui. Mais le fait est qu'il en aime une autre et ça, bien avant même que je ne le connaisse vraiment. À la mort de cette fille, il est devenu comme une coquille vide. Sais-tu à quel point c'est dur d'aimer une coquille vide ?

Ses yeux remplis de fureur à présent me fixent comme si j'étais coupable du malheur de cet homme. J'hausse les épaules. Et toi, petite Eva, sais-tu à quel point c'est dur d'être une coquille vide ?

- Non, je ne sais pas. Je n'ai pas eu encore la chance de trouver un homme et de lui donner le pouvoir de me détruire.

Eva reste interdite.

- Aimer, c'est la meilleure chose qui peut arriver à quelqu'un. Nous, êtres humains, si nous sommes doués pour une chose, c'est bien pour aimer. On le fait comme personne.

- C'est cet amour pour cette fille qui a fait qu'il t'ait laissé comme une vieille chaussette ? Je demande, bien trop mal à l'aise par la tournure que prend cette conversation.

Elle prend une longue gorgée de bière et ferme les yeux. Je ne sais vraiment pas comment je dois faire pour la réconforter, mais peut-être que comprendre son histoire m'aidera à trouver les mots.

- Oui, parce que je ne suis pas elle et que je ne le serais jamais.

Je sens de l'amertume dans sa voix.

- Cette fille, c'est une ancienne ennemie ? Je demande. Tu n'as pas l'air de l'apprécier.

Bien entendu, mon cruel manque de relations humaines fait que si une boulette doit être faite, je vais sans aucun doute en être l'auteure. Car lorsque qu'Eva fond en larmes, je reste parfaitement tétanisée. Je regarde autour de moi si quelqu'un ne peut pas me venir en aide -un fantôme, peut-être ?-, mais bien entendu, je suis seule avec elle.

Lone Wolf (Tome 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant