Lone Wolf (Tome 1 & 2)

XV

Je grimace en retirant un petit cailloux pointu qui s'est logé dans mon pied. Quelle idée aussi de se balader dans la forêt pieds nus ? Ce n'est pas comme si c'est la première fois, en plus.

Et maintenant ?

Je souris comme une imbécile. Maintenant, chère louve ? Rien, rien du tout. Je me rends compte que depuis que je suis revenue dans la meute de mon père, je ne me sens pas aussi bien que je le prétends, et je sais pourquoi je suis comme ça, parce qu'il n'est pas là.

C'est fou comme ce loup que je n'ai vu que quelques minutes me fait un tel effet. Je ne le connais absolument pas, et pourtant je ne peux me le sortir de la tête. Cela ne fait même pas une semaine que je l'ai rencontré et je suis déjà accro.

J'entends des bruits de pas se rapprocher, l'odeur d'Eva m'emplit les narines et malgré le fait que je sois en colère contre elle, je suis heureuse qu'elle soit là.

- Je suis désolée, commence-t-elle.

Eva prend place à mes côtés et me fixe, attendant sûrement que je lui pardonne sur l'instant.

- Je ne sais même pas comment être en colère contre toi.

Je plonge mes yeux dans les siens et soupire.

- Le truc, c'est que tu me juges et tu ne sais même pas ce que c'est.

Elle pince ses lèvres et détourne le regard.

- Tu as raison, répond-t-elle. C'est juste que je ne t'ai jamais vu piquer une de ces colères. J'ai eu l'impression d'avoir une autre Hailey devant moi. J'en ai déduis que ne pas voir ton âme-soeur te rend bizarre.

Je reste interdite. Elle n'a peut-être pas tord. En y réfléchissant bien, depuis qu'il a refusé ce lien, je me sens en colère. Et cette colère est dirigée vers tout le monde.

- Ok, je souffle. C'est vrai que je suis un peu plus à fleur de peau que d'habitude.

Eva me lance un regard étrange. Elle semble hésiter à dire quelque chose.

- Qu'est-ce qu'il y a ? J'attaque.

Elle a un mouvement de recul.

- Quoi ? Rien.

Je lève les yeux au ciel avant de lui lancer un regard signifiant "te fiche pas de moi !".

- Ça fait cinq minutes que tu ouvres la bouche et la referme sans rien dire. On dirait un poisson, c'est très perturbant !

Elle ne réagit pas à mes paroles. Ok, c'est plus grave que ce que je pensais.

- Je réfléchis à des trucs, c'est tout.

Je ne dis rien, mais je sens la colère monter. Elle me cache quelque chose et j'ai horreur de ça !

- Oui, bah réfléchis plus impassiblement la prochaine fois, je rétorque.

Elle fait mine de réfléchir en accentuant ses grimaces, je lui donne une petite tape sur l'épaule. Elle rit, mais je sens qu'elle est tendue. Je prends alors son visage entre mes mains et plonge mes yeux dans les siens. On se fixe sans rien dire, je cherche mes mots. Son expression change soudainement, je la sens plus sérieuse.

- Si tu comptes m'embrasser, je te préviens que je ne te repousserais pas pour pas te faire de la peine, mais je préfère les hommes.

Je la fixe d'un air ahuri et la lâche sous le coup de la surprise.

- Mais t'es bête ! Je rétorque. J'allais te demander de me dire ce qui te perturbe autant.

Eva détourne le regard et ça me rend dingue. J'ai horreur qu'elle me cache quelque chose. On est sensé tout se dire, bordel ! Même pour notre première fois, on a fait un pacte stipulant qu'on devait tout se dire.

- Rien ne me perturbe, ose me répondre mon amie.

Je me lève d'un bond et croise les bras sur ma poitrine.

- Arrête. Arrête ça tout de suite.

Eva se lève à son tour et commence à faire les cent pas. Les semelles de ses spartiates écrasent l'herbe fraîche sans ménagement.

- S'il te plaît, Hailey. Lâche l'affaire.

Je secoue la tête. Il n'en est pas question.

- Hailey, continue mon amie. Vraiment, ce n'est pas quelque chose dont j'ai envie de parler.

- Bien.

Je souffle tandis qu'elle me remercie. J'ai choisi de ne pas insister, pour le moment. Mais je trouverais un moyen de lui faire cracher le morceau. Soudain, une lourde présence entre dans le territoire. Je tourne la tête vers la direction du village. Un grand sourire fend mon visage tandis que je m'élance à toute vitesse, Eva sur mes talons.

- Hailey... Attends-moi...

La voix de mon amie ne parvient quasiment pas jusqu'à mes oreilles tant mon cerveau est concentré sur cette présence plus que familière. Mon père est là. Je me demande bien d'ailleurs ce qui l'a obligé à sortir du territoire.

Les branches basses me griffent les bras, mais je n'en ai rien à faire, mon père est proche et il m'a terriblement manqué. Je peux entendre Eva jurer à présent, mais je ne ralentis pas, c'est hors de question. J'arrive enfin au village et je remarque les regards insistants des personnes se trouvant dehors. Quelque chose ne va pas. Ma meilleure amie parvient à me rejoindre, à bout de souffle.

- Bordel, mais comment tu fais pour ne pas être essoufflée et courir aussi vite ?

- Pourquoi tout le monde me regarde comme ça ? Je la coupe.

Elle se fige et reste muette, ce qui a le don de m'agacer. Bien, si elle veut la jouer comme ça, soit. Je me dirige vers la maison de mes parents, ignorant ses tentatives vaines pour me ralentir. Quelque chose ne va vraiment pas, et je veux savoir ce qu'il se passe.

J'entre dans le salon et me fige. Mon père lève les yeux vers moi et émet un léger soupir. Eva s'excuse et se défend en martelant le fait que je suis une vraie tête de mule. Mais je n'ai que faire de ce qu'ils peuvent bien dire, mes yeux sont rivés sur le visage crispé de l'homme magnifique. Il est là.