Lone Wolf (Tome 1 & 2)

XXXVI

Mes mains tremblent et j'ai l'impression que mon cœur va s'arrêter, tant il bat rapidement. Kyle inspire longuement dans mes cheveux avant de me lâcher.

- Je suis tellement désolé de t'avoir causé autant de peine. Je cherchais à me protéger, à...

Il tend la main vers la peinture avant de la laisser retomber contre sa cuisse. L'expression de son visage le fait paraître plus jeune, on dirait un petit garçon effrayé. Un « petit garçon » qui ne fait pas loin de deux mètres.

- C'est bon, je comprends. Oublions, d'accord ? À présent, je pense qu'on peut aller de l'avant en évitant de faire les mêmes choses que dans le passé.

Il hoche la tête et souffle. Je vois à son visage qu'il y a encore quelque chose qui le tracasse. Moi qui croyais en avoir fini, il semblerait que ce ne soit pas le cas.

- Bon, vu que j'ai commencé à être honnête avec toi, autant continuer sur ma lancée, non ?

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas vraiment où il veut en venir.

- Tu te souviens quand vous m'avez recueilli chez vous ?

Je hoche la tête. Bien entendu que je m'en souviens. Il était tellement amoché que j'avais craint qu'il n'y survive pas.

- Ce n'était pas des chasseurs. Je n'aurais pas pu en réchapper. Et puis, qu'auraient-ils fait d'un loup solitaire ? Ils sont plus intéressés par des loups appartenant à une meute.

Je n'avais pas pensé à cela et je me sens un peu stupide, d'ailleurs. Bon, après tout, je n'ai jamais été confrontée à des chasseurs.

- Qui t'a fait ça ?

- Ton cher ami, l'Alpha Daniel, le loup fou.

Son annonce fait sortir ma louve de ses gongs, si bien que je tressaille quand elle tente de prendre le contrôle. Kyle ne dit pas un mot. Son visage ne laisse transparaître aucune émotion. Je ne comprends pas comment il peut rester si calme, alors que moi je suis si révoltée. Mon père m'a caché cela, Kyle m'a caché cela, Eva aussi. Je me sens tellement trahi.

- Pourquoi m'as-tu caché cela ?

Il ne répond pas et détourne les yeux. Son regard s'attarde sur un point invisible. Je pince des lèvres et lui lance un regard noir.

- Pourquoi toujours me mentir ? Je ne suis pas digne de savoir les choses ? Nous sommes âmes-sœurs à la fin ! Quand vas-tu me considérer comme tel ? C'est si dur pour toi de faire confiance à quelqu'un d'autre que ta petite personne ?

Il souffle, agacé, ce qui a le don de me rendre folle. Je me rapproche un peu plus, nos lèvres se trouvant à quelques centimètres les unes des autres. Il ne bouge pas, attendant de voir comment va se dérouler la suite. Il va être déçu, car malgré sa belle gueule, il ne fait pas le poids face à ma colère.

- Je ne voulais pas que tu sois mêlée à cette histoire, donc j'ai demandé à ton père de te mentir. Le sentiment de haine n'est jamais bon. Et je savais que tu n'aimais pas cet Alpha, je ne voulais pas que tu fasses de bêtises.

- Et en quoi ça te regardait ? À l'époque tu m'as humilié, traité comme une moins que rien. Alors en quoi ça t'intéressait de savoir que je fasse une bêtise ou non ?

Ma louve grogne de mécontentement face à ce mâle stupide. Il est rare que l'on soit d'accord le concernant. Elle est toujours tiraillée par ce lien qui nous lie, mais j'essaye de garder la tête froide. J'en ai marre de paraître faible face à tout le monde. Je ne veux plus être la petite fille que l'on doit protéger.

- Tu crois que c'est facile de te détester ? Ou du moins de faire semblant ?

Il empoigne mes cheveux de sa main droite, me faisant crier plus de surprise que de douleur. Il pose ensuite son front brûlant contre le mien avant de fermer les yeux.

- Tu le sens, ce lien ? C'est impossible de lui résister. Dès que je te vois, plus rien n'a d'importance. Cet Alpha fou, les humaines que je me tapais pour oublier ma solitude, la douleur de la perte de ma famille. Tu effaces tout, du simple fait de ta présence. Et ça me rend fou.

Il tire ma tête vers l'arrière et inspire longuement la peau de mon cou. Je suis totalement à sa merci, il pourrait m'ôter la vie d'un simple coup de crocs à la jugulaire et pourtant, je n'ai pas peur. L'euphorie se fraye une place parmi la colère qui m'habite.

- J'ai essayé de te repousser, de t'imaginer plus moche que tu ne l'es déjà. Et je n'y arrive même pas. Tu hantais mes nuits, ton visage était partout. Qu'il soit triste ou joyeux. Puis quand le Bêta de Daniel m'a attrapé, que l'on m'a enfermé dans cette pièce sombre et que loup fou a commencé sa torture. Je n'ai eu aucune pensée pour ma famille, seulement pour toi. Je me suis demandé où tu étais, ce que tu faisais, qui avait la chance de t'avoir à ses côtés.

Mon cœur s'accélère imperceptiblement tandis qu'il embrasse ma gorge offerte. Ma louve tremble d'impatience et des frissons apparaissent sur la peau de mes bras. Ce loup va me rendre totalement dingue de lui. Ses paroles me touchent le plus haut point et je n'arrive pas à être en colère contre lui.

- Puis, alors que je pensais que j'allais y rester, j'ai senti ton odeur. Je m'étais résigné à laisser Daniel mettre fin à ma vie. J'espérais que cela ne te serait pas trop douloureux, comme nous nous étions vu que peu de temps, le lien n'avait pas eu le temps de se former. J'espérais être le seul à ressentir toutes ces choses et que tu n'en sois pas affectée.

- Tu étais si proche durant tout ce temps...

Ma voix me paraît faible, mais je me sens si mal pour lui, que j'ai envie de hurler. Il avait tant souffert tout en étant si proche. Ça m'est insupportable. Je sens des larmes me monter aux yeux, mais je serre les dents pour ne pas les laisser couler. Je ne veux pas lui montrer à quel point je suis faible.

- Quand j'ai compris que tu étais là, avec lui. Ça m'a rendu fou. Je ne pouvais pas laisser ce fils de pute t'avoir. Tout, mais pas lui. Quitte à te garder auprès de moi, égoïstement. Je préférais te condamner à une vie de souffrance à mes côtés, plutôt que te laisser entre ses griffes. Je suis désolé.

Je relève la tête, sa prise s'est défaite. Je pose ma main sur sa joue. La douleur dans ses yeux me brûle la gorge.

- Tu m'as sauvé de ce loup. Ne t'excuse jamais pour ça.