Lone Wolf (Tome 1 & 2)

V

Lorsque Aaron et moi sortons du bar animé, je ne peux m'empêcher de repenser à cette fille. Elle semblait me connaître alors que je n'ai aucun souvenir d'elle. Serait-ce possible qu'elle soit une personne que j'ai connue avant mon accident ? Une amie ?

- Tout va bien Livie ?

Je me tourne vers mon coéquipier et hoche la tête. Il ne semble pas convaincu et il a raison. Cette inconnue me perturbe plus que de raison. Si bien que ces dernières heures, j'ai été distraite. Cela aurait pu me coûter la vie et je m'en veux terriblement.

- Ne me mens pas, ma belle.

Aaron pose ses deux grandes mains chaudes sur mes épaules. Je lève les yeux et croise ses pupilles chaleureuses. Il m'adresse un sourire énigmatique, comme il en a l'habitude. C'est à cause de ce sourire étrange qui me met mal à l'aise que je refuse de lui parler de cette fille.

- Je suis juste un peu fatiguée. Tu sais que les séances avec la psy me gonflent. Elle a le chic pour me poser des questions embarrassantes.

- Une vrai casse-pied celle-là ! S'amuse-t-il.

Je me joins à sa plaisanterie. Nous montons dans la voiture.

- Bon, ton ressenti ?

Aaron me parle du bar, il veut savoir si nous allons organiser une descente prochainement.

- Je pense qu'il n'y a pas que des loups. Des humains fréquentent également ce bar, il nous faudra être prudent.

Mon coéquipier hoche la tête et me fait signe de continuer.

- Vu que nous n'avons toujours pas de moyens de reconnaître un loup, il va falloir la jouer finement, afin de ne pas éveiller les soupçons.

- Hum, et comment comptes-tu t'y prendre ?

Je pouffe avant de secouer la tête.

- Ah parce que maintenant je coordonne les missions ? Ce n'est pas mon job à ce que je sache. Je ne suis que le bourreau.

Aaron m'observe de ses yeux perçants, un léger sourire en coin. Le même que d'habitude. Sa main quitte le volant pour se poser sur ma joue. La chaleur de sa paume me surprend, pourtant, je suis pétrifiée. Je m'attends à ce qu'il cherche à m'embrasser ou un truc du genre, mais il ne le fait pas. Je ne sais pas si je dois me sentir insultée ou rassurée.

- Un très joli bourreau. Je ne vois pas plus belle mort que celle venant de ta main.

Ses paroles sonnent bizarrement. Je m'éloigne afin de retirer sa main. Il ne dit rien. Sa mâchoire se contracte un instant avant qu'il ne démarre la voiture. Le trajet se fait en silence. Je suis trop perturbée par cette fille et l'attitude d'Aaron pour engager la conversation. Une fois arrivée devant le bâtiment, je quitte rapidement mon coéquipier.

Une fois dans mon cocon, je souffle. Je pose mes clés sur le sol et glisse le long de la porte. J'ôte mes escarpins en grimaçant et observe le plafond d'un blanc immaculé. Malgré le soulagement que je ressens d'être chez moi, j'ai cette sensation de solitude qui ne me quitte pas. Ma psy n'est pas au courant de cela.

Cette psy m'a été obligatoirement attribuée par la Confrérie. Je ne voulais pas avoir à confier mes secrets à une inconnue. Mon humeur changeante et les crises de larmes qui arrivent parfois sans raison ont eu raison de mon refus. À l'époque j'avais besoin d'aide. À présent, je sais cacher cette faiblesse.

Il m'arrive parfois de me réveiller dans la nuit en proie à une tristesse si forte que j'ai l'impression de ne jamais pouvoir faire partir ce sentiment. Ce mal qui m'habite revient inlassablement tous les soirs, provoquant au moins une heure d'impossibilité à penser à autre chose que cette douleur. Je sens une boule se former dans ma gorge, annonciatrice de cette « crise ». Je me relève alors tant bien que mal et atteins mon lit je ne sais comment.

Mon cœur se met à battre plus vite et j'ai l'impression qu'une main invisible le broie sans ménagement, me coupant le souffle. La voix que j'entends habituellement dans ma tête n'est qu'un bourdonnement indistinct. Le sirop fait effet. En général, lorsque j'en suis à court, la voix hurle des paroles que je n'arrive pas à comprendre et je ne souhaite pas les comprendre.

Puis commence le calvaire et mes supplications.