Lone Wolf (Tome 1 & 2)

XXI

Dites-moi que je rêve ! Ça ne peut être vrai. Eva avait raison, mais elle s'est trompée sur une chose : il ne va pas me perdre dans la forêt, il va juste me tuer dans un accident de la route. J'observe d'un oeil critique l'engin sortit tout droit des enfers.

- Effrayée ? Me demande le loup solitaire avec une pointe d'amusement dans la voix.

- T'aimerais bien, hein ? Je le provoque en me rapprochant de sa machine de la mort.

Il pouffe derrière sa grande main avant de secouer la tête. Je touche du bout du doigt la moto et m'apprête à monter dessus lorsqu'un problème se présente.

- Comment je vais faire pour porter ma valise ? À moins que ta moto ait un coffre caché invisible, je ne vois pas comment faire.

Il reste interdit un instant, comme s'il se rendait compte que nous allons avoir un problème.

- Hum. Je vais t'emmener chez moi et je reviendrais chercher ta valise.

Je pensais que notre présence n'était pas désirée, intervient ma louve.

Je ne saurais quoi lui répondre, car je suis autant surprise qu'elle. Depuis que l'on s'est rencontré, il n'a pas caché son dégoût plus qu'évident envers moi. Pourquoi autant de gentillesse ?

Perdue dans mes pensées, je ne remarque pas qu'il est déjà sur sa bécane, le regard perçant. Sa beauté me coupe le souffle, si bien que je ne suis pas la seule indifférente ici. Ma louve se dandine ouvertement dans mon esprit.

Le loup solitaire me tend un casque aussi noir que sa moto et en voyant son visage nu, je me rends compte que c'est le sien. Je l'enfile du mieux que je peux, mais il est bien trop grand pour ma tête. À peine ai-je le temps de tourner la tête qu'il se penche sur le côté, me donnant certainement un air ridicule, car le loup solitaire semble se retenir de rire.

- Aide-moi au lieu de te moquer, je bougonne.

Il ne dit rien et se lève. Il prend le temps de s'approcher, son parfum irrésistible charmant mes narines et liquéfiant mon cerveau. Très certainement conscient de l'effet qu'il me fait, un sourire satisfait naît sur son visage.

Il à présent juste devant moi, ses yeux bleus flamboyants plantés dans les miens. Je n'ose pas respirer, sachant pertinemment que si j'inspire une bouffée de son odeur, cela en est fini de moi. Il tire sur les deux lanières du casque avant de les attacher. Encore lâche, le casque bouge toujours, mais je n'ose pas lui faire remarquer.

- Tu as l'air... ridicule, souffle-t-il.

J'ouvre la bouche avant de la refermer complètement, abasourdie. Maintenant, c'est sûr : un jour, je vais tuer ce mec. Il tire alors sur les lanières, m'étranglant presque, avant de se reculer et de monter sur la moto.

- Tu viens ? J'ai caché ta valise. Personne ne te la volera, comme personne n'a volé ma moto.

Son impatience a repris le dessus et pour ne pas lui donner matière à s'énerver, j'inspire et prends place derrière lui. Je m'éloigne de lui, essayant de mettre le plus de distance possible. Il me rend nerveuse et être si proche de lui, pouvoir sentir la chaleur de son corps, c'est un luxe dont j'ai l'impression de ne pas avoir le droit de profiter. Le loup solitaire tourne la tête vers ma direction, me laissant observer avec joie son profil.

- Il vaudrait mieux que tu t'accroches à moi, si tu ne veux pas prendre le risque de tomber.

J'inspire profondément avant d'abaisser la visière. Les bras tremblants, j'enlace cet étranger qui me fait perdre la tête et sentir la force de son corps est la meilleure chose au monde. Comment arrive-t-il à me faire ressentir autant de choses en étant seulement à mes côtés ?

Cette proximité me rend dingue, plus encore lorsque je sais que je ne peux le toucher. Son attitude envers moi est juste invivable. Mes réflexions sont interrompues par le rugissement du moteur. Et je retiens avec grande peine un cri effrayé lorsqu'il commence à avancer. Nous faisons quelques mètres avant d'atteindre le goudron lisse.

À l'instant même où je me sens un peu plus sereine à cause de la stabilité qu'offre le bitume, il accélère brusquement, me projetant contre son dos. Le choc du casque contre ses muscles ne le fait même pas tressaillir. Le vent fouette mes bras nus, me donnant la chair de poule.

- Oh mon dieu, je souffle.

Et c'est le cas de le dire, un sentiment que je ne connais pas m'envahit. Je me sens plus légère, libérée de toutes ces chaînes qui m'entravent depuis toujours. Si le loup solitaire ne roulerait pas si vite, j'étendrais mes bras, accueillant cette joie qui m'envahit sans hésitation.

À la place, je me mets à rire. L'adrénaline qui coule dans mes veines me rend ivre de cette sensation. La liberté. Mon rire s'arrête net lorsque je sens le loup solitaire se tendre. Le casque que je porte m'empêche de déterminer des émotions. Je me colle un peu plus contre lui et j'aperçois par-dessus son épaule une voiture familiale qui arrive en face.

- Des humains, je murmure pour moi-même.

Je retiens mon souffle lorsque cette dernière passe à côté de nous, mais je ne peux m'empêcher d'être curieuse et tourne la tête pour apercevoir une petite fille qui m'observe de ses grands yeux noirs. L'innocence de ses traits me foudroie sur place. J'ai l'impression de me revoir à son âge, incapable d'imaginer la folie de ce monde.

À l'époque, le fait qu'il existe des êtres vivants qui ne soit pas à moitié loup me paraissait irréel. Cette petite fille, humaine, ne s'imagine pas qu'elle à face à elle deux loups-garous. Quel drôle de monde dans lequel nous vivons... Et aussi vite que son regard a capté le mien, elle disparaît, continuant sa route.

Lorsque la voiture est assez loin, le loup solitaire se détend instantanément, cependant, il accélère brusquement. Le paysage est à présent un méli-mélo de couleurs assombries par la visière du casque. Je m'accroche avec force au torse du loup et pose ma tête contre son dos avant de fermer les yeux.

Pour une raison que j'ignore, je lui fais confiance et je sais qu'il m'emmènera chez lui saine et sauve. Son parfum arrive à se frayer un chemin dans le casque et j'inspire une longue bouffée d'air avec un énorme sourire plaqué sur le visage.