XII (Kyle)

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La Confrérie. Ces mots dans sa bouche me donnent envie d'hurler. Ce groupe de chasseur est connu de tous, étant réputé pour ses massacres de meute. Dont celle de mes parents. Durant ces trois années où j'ai cherché à me venger, j'ai une fois eu l'idée que la Confrérie ait pu être derrière tout ça, mais je l'ai bien vite écartée. Une louve solitaire ne les intéresse pas, ce qu'ils veulent c'est une meute entière.

C'est assez amusant finalement de s'apercevoir que ce soit pour nos pairs ou nos ennemis, nous sommes toujours considérés comme si peu intéressant que l'on fait comme si on existait pas.

- Enfin, je veux dire, c'est...

Hailey cherche ses mots, ayant surement compris qu'elle a fait une gaffe. Si elle connait la Confrérie, elle sait que les loup-garou existent. Mais elle ne sait pas qu'elle en est un. Alors... Oh non... Je n'arrive tout simplement pas à y croire, c'est impossible, n'est-ce-pas ? Ça ne se peut tout simplement pas.. Ils n'auraient pas osé.

- Tu fais partie de la Confrérie ? Je demande.

Son expression me confirme mes pires craintes. Après tout ce temps, elle n'a pas changé et je suis un peu réconforté de voir que je suis toujours capable de comprendre ses réactions. Je passe une main sur mon visage, tandis que mon loup veut sortir et faire comprendre à sa louve que cela doit cesser. Mais c'est trop dangereux, car si elle fait partie de la Confrérie, elle est donc une ennemie. Une ennemie entraînée pour tuer les miens et les siens par conséquent.

- Depuis quand ?

- Ça te regarde ? Elle s'énerve.

J'inspire longuement. Si seulement j'avais eu le courage de la marquer à l'époque, si j'avais eu le courage de lui dire que je l'aimais ou seulement les raisons pour lesquelles je m'interdisais de la faire mienne. Elle aurait compris, n'est-ce-pas ? Elle aurait trouvé les mots justes et on ne serait pas dans cette situation. Où serions-nous aujourd'hui ?

- S'il te plaît...

Elle m'observe un instant, ses yeux sombres me subjuguent, me donnant envie de faire tout ce qu'elle souhaite. Tu veux que je me roule par terre en faisant des cris d'animaux ? Si c'est ce que tu veux, je le ferais avec grand plaisir...

- Toi, tu réponds d'abord à mes questions et après je répondrais aux tiennes, dit-elle avec un sourire mauvais.

Depuis quand me fait-elle du chantage ? Depuis quand les rôles se sont-ils inversés ? Serait-ce une punition ?

- Ok... Tu poses une question et j'en pose une ensuite.

Elle semble réfléchir sérieusement à notre marché, tandis que moi, je me demande comment je vais bien pouvoir lui mentir convenablement.

- Ça marche. Je commence.

Je me recule et prends place sur un tabouret de bar et l'invite à faire de même.

- Comment as-tu connu la Confrérie ?

Ok, comment répondre à cela sans lui faire comprendre que je suis un loup-garou ? C'est assez compliqué, non ? Je ne pourrais sûrement lui dire : oh, ils ont juste massacré la meute de mes parents, me laissant orphelin avec une peur viscérale de m'attacher à quelqu'un pour éviter le même schéma.

- J'en ai entendu parlé il y a longtemps. Ils ont incendié des habitations qui ne se trouvaient pas loin de chez moi.

Ce n'était pas vraiment un mensonge. Après le massacre de ma meute, lorsque je me suis retrouvé seul, une meute voisine m'a prise sous son aile et l'Alpha, considérait que j'avais le droit de savoir après tout ce que j'avais vécu. J'ai donc tout appris d'eux alors que j'avais une dizaine d'années. Les histoires que l'on m'a raconté à leur sujet sont restées gravées dans ma mémoire.

- Vraiment ?

Elle semble dubitative.

- À moi, maintenant. Depuis quand es-tu dans la Confrérie ?

- Trois ans, répond-t-elle sans hésitation. Qui t'a parlé de la Confrérie ?

C'est un terrain miné cette histoire, mais je comprends sa surprise. En général, les humains ne sont pas au courant de son existence et je pris intérieurement pour qu'Eva revienne nous rejoindre, mais elle ne le fera pas. Plus maintenant, plus depuis qu'Hailey est là.

- Je ne sais plus vraiment, j'étais si jeune...

Elle me fixe, son visage concentré. Elle est si belle, plus aujourd'hui encore qu'il y a trois ans, si c'est encore possible.

- Où étais-tu avant d'être dans la Confrérie ?

Son visage se tord en une grimace discrète que j'ai appris à reconnaître. Elle faisait la même chose lorsque je lui disais des choses blessantes.

- Je ne sais pas... Je n'ai aucun souvenir de ma vie d'avant. Depuis l'accident...

- Un accident ? Quel accident ?

Je bondis de ma chaise et prends son visage entre mes mains. Le contact avec sa peau brulante est délicieux, si bien que je dois retenir un grognement de satisfaction. J'inspecte son cou, mais elle me repousse violemment.

- Ne me touche pas.

Son ton dur me surprend, d'autant plus que son regard courroucé.

- On ne se connait pas et tu es l'ex d'Eva, ça ne se fait pas. Elle est mon amie.

Elle semble réfléchir à sa dernière phrase et je devine aisément qu'elle se demande pourquoi son "amie" a participé à son "kidnapping". Depuis quand prendre ce qui nous revient de droit est un crime ? Bon sang...

- Eva et moi n'avons jamais été ensemble, je souffle.

- Elle t'aime, s'énerve-t-elle.

Ses yeux me lancent des éclairs et elle se lève à son tour pour ne plus avoir à se contorsionner la nuque. Ou du moins, plus trop.

- Elle n'a pas la moindre idée de ce qu'est l'amour, je siffle.

Peut-être que ce n'est pas quelque chose à dire, mais c'est la simple vérité. Eva n'a pas connu l'amour véritable. Elle a juste jeté son dévolu sur moi lorsqu'elle a compris qu'elle ne le connaitrait jamais. Et j'en ai profité. Et à présent je regrette. Quand je crois les yeux sombres d'Hailey, je regrette chaque femme que j'ai prise. Je regrette chaque regard que j'ai eu pour une autre femme qu'elle, parce que le trou béant dans ma poitrine me rappelle sans cesse que sans elle, je ne suis rien. Sans elle, ma vie n'a aucun sens. Sans elle, je ne suis que l'ombre de rien.

- C'est toi qui n'a aucune idée de ce qu'est l'amour. Encore moins quand tu te moques des sentiments d'une fille qui est folle de toi. Tu n'as pas la moindre idée du degré d'amour qu'elle te porte.

Elle secoue la tête et je suis accablé par la situation. Car elle non plus n'a aucune idée de la puissance de mes sentiments. Et lorsqu'elle quitte la pièce d'un pas rageur, je me sens encore plus démuni que lorsque que je l'ai perdu, il y a trois ans. 

Lone Wolf (Tome 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant