XVI

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Ses yeux papillonnent, il lui est impossible de fixer un point précis, peut-être est-ce dû à la plaie béante qui parcourt son large torse. La vue de son impressionnante blessure agit comme une décharge électrique sur moi. Je m'approche du loup solitaire.

Son parfum masculin emplit mes narines et la perfection de ses traits me laisse sans voix. Seigneur ! Est-il seulement réel ? Pour m'en assurer, je touche sa pommette et sursaute quand il ouvre les yeux et semble chercher la raison de son dérangement. Je me tourne vers mon père qui échange un regard entendu avec ma mère.

- Qui l'a mis dans cet état ?

La force de ma propre voix me surprend. Et lorsque je comprends qu'ils ne me répondront pas, je crois devenir folle.

- Papa...

Ce dernier soupire et secoue la tête.

- Je te jure que ceux qui ont fait ça seront punis comme il se doit.

Ok, ça doit être vraiment grave si même lui ne veut rien me dire. Je fais taire la petite voix dans ma tête qui me suggère de lui tirer les vers du nez et décide de lui faire confiance.

- Hurg...

Je tourne la tête vers le loup solitaire et repousse les quelques mèches poisseuses qui lui tombent sur le front. Il est brûlant de fièvre.

- Va-t-il s'en sortir ? Je demande sans le quitter des yeux.

- Oui, c'est un loup-garou, après tout.

La voix assurée de mon père me rassure immédiatement. Il a raison, il survivra et... ensuite ? Je préfère ne pas penser à demain et me concentrer sur le présent. Profiter du peu de temps que la Déesse m'accorde à ses côtés.

- On devrait le monter dans ma chambre. Il n'est pas bien ici.

Ses larges épaules et ses jambes dépassent du canapé. Mon père approuve et appelle ses Bêtas pour monter le loup solitaire. Ils l'installent sur mes draps roses à présent tâchés de sang, mais je n'en ai que faire. Je prends place à ses côtés et lui enlève son t-shirt en lambeaux avant de le jeter à terre.

Je retiens mon souffle, non pas par rapport à sa musculature parfaite, mais à cause de sa blessure sanguinolente. Il va peut-être guérir, mais il doit souffrir énormément. Ma mère pose un seau d'eau, ainsi qu'un petit linge beige.

- Pense à le rafraîchir de temps en temps, me souffle-t-elle.

Je hoche la tête et reporte mon attention sur le loup solitaire. Nous sommes à présent seuls, mais je ne me sens pas pour autant soulager. Sa respiration semble difficile et le voir grimacer de la sorte à chaque inspiration me fait mal au coeur.

J'imprègne le linge propre d'eau tiède avant de l'essorer. J'hésite un instant, le geste suspendu dans les airs et pose délicatement le linge mouillé sur sa peau brûlante. Son front ruisselle de transpiration, j'essuie donc cette zone en premier, puis je m'attaque à ses joues. Le souffle court, je m'arrête et m'éloigne de mon âme-soeur.

- J'ai l'air d'une psychopathe, je murmure.

Je jette un coup d'oeil au blessé avant de soupirer. Oui, j'ai l'air d'une grande malade. Mais être si proche de lui, pouvoir le toucher... Je ne sais pas. J'ai rêvé de ce moment depuis tant d'années et lorsqu'il m'a repoussé, j'ai cru que ce jour n'arriverait jamais. En fait, je n'arrive pas à y croire.

Je peux sentir Eva, mon père et ma mère dans la maison. Ils me laissent seule avec lui et je remercie intérieurement Eva de prendre sur elle et de ne pas venir. Je sais à quel point elle est curieuse...

- Hum...

Le loup solitaire grimace et je peux voir les deux pans de sa chaire s'attirer l'un à l'autre dans le but de se rejoindre et de se fondre complètement. Il guérit, mais très lentement. Peut-être que ses assaillants ont utilisé sur lui des armes en argent. Je frissonne malgré moi et me rapproche de lui. Le voir souffrir comme ça, ça me tue. Je me sens impuissante.

Il essaye d'ouvrir les yeux et cherche un point à fixer. Je sens les larmes me monter, mais je secoue la tête pour les chasser. Non, je refuse de lui montrer que je suis faible. Je ne le serais jamais devant lui, jamais.

- Tout va bien, je murmure.

Il ferme les yeux et secoue très légèrement la tête. Au bout de quelques minutes de silence, sa respiration se fait plus lente et je remarque qu'il s'est endormi. Je l'observe encore durant quelques secondes avant de me lever et de quitter la chambre sans un mot. Je ferme délicatement la porte et me retourne lentement. Le visage d'Eva apparaît devant mes yeux et je sursaute en poussant un petit cri ridicule.

- Bon sang, Eva ! Tu m'as fait une de ces peurs.

- Désolée, souffle-t-elle. Je voulais savoir comment tu allais.

Je lui prends la main et la tire à ma suite jusque dans la cuisine. En passant, je fais un signe rassurant de la main à mes parents qui discutent dans le salon. Une fois dans la cuisine, Eva s'installe sur une chaise libre et pose ses mains sur la table en bois sombre au centre de la pièce. Je prends une bouteille d'eau dans le réfrigérateur gris foncé et en propose à mon amie qui refuse poliment. Je m'installe à mon tour face à elle avant de l'inviter à prendre la parole. Elle hésite quelques secondes avant de se lancer.

- Ça va ?

Je hausse un sourcil en sa direction, ce qui la met mal à l'aise. Je joue avec le bouchon bleu de la bouteille, le faisant rouler jusqu'à elle. Eva l'attrape et soupire.

- Qui lui a fait ça ? Je grogne.

- Je n'ai pas le droit de te le dire, Hailey.

- Ok.

J'avale une gorgée d'eau bien fraîche et m'appuie contre le dossier de la chaise.

- J'ai l'impression de devenir folle.

Eva pince ses lèvres et me renvoie le bouchon en le faisant rouler sur la table.

- Tu n'es pas folle, d'accord ? Je ne sais même pas comment tu fais pour rester aussi calme, d'ailleurs.

Je ricane. Est-ce que je me sens de la jouer à la manière forte ? Non, évidemment que non, je suis trop gentille pour ça. Les mots sont ma seule arme face à cette situation.

- C'est simple, j'essaye d'oublier à chaque seconde que tout le monde me cache des choses.

Son visage se décompose aussitôt. Même si je me sens plutôt fière de ma réponse, je ne peux m'empêcher de culpabiliser un petit peu. Eva se prend le visage entre les mains, je remarque qu'elle a peint ses ongles en bleu ciel. Tiens, c'est bizarre, elle ne fait jamais ça, d'habitude...

- Je ne peux rien te dire. Ton père a utilisé sa voix d'Alpha et m'en a donné l'ordre. Je suis désolée, Hailey. 

Lone Wolf (Tome 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant