Chapitre quatre, Quand le lion entre dans l'arène

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Euridice s'étala de tout son long dans la poussière ; la mordant à pleines dents. Les grains de sable érosifs collèrent à sa peau poisseuse de sueur et le dispositif métallique incrusté dans sa poitrine heurta violemment son sternum. Elle toussa d'une voix rauque et enraillée, des larmes voilant soudain sa vision.

Malgré son souffle coupé et ses membres endoloris, elle se releva, prenant appui sur ses bras égratignés. Ses cheveux roux liés en une tresse stricte balayèrent le sol.

Elle se laissa une poignée de secondes pour reprendre une respiration plus régulière, paumes sur les cuisses, et se remit en garde.

En face de l'Algaël, son adversaire esquissa un pas incertain vers elle. Elle l'arrêta d'un signe sec de la main.

— Reste où tu es Tahis, je vais bien. On reprend.

L'elfe fronça les sourcils, mais ne dit rien. La belle rousse ne l'aurait, de toute façon, pas écouté.

C'est elle qui avait demandé ce combat. Et bien que l'Algaël fût une admirable combattante, elle ne faisait clairement pas le poids. Malgré ses réticences, Tahis avait accepté. Car dans le regard dur et distant qu'elle posait sur lui, il voyait qu'elle avait besoin de ça.

De s'oublier. De prouver.

De démontrer qu'elle était encore maîtresse de son corps et de ses choix. Qu'elle était encore digne d'être une Algaël. Digne de ses pairs. Libre.

Et ni son lien forcé avec lui ni la magie d'entrave qui l'empêchait d'utiliser son don ni même les épais murs de la forteresse de Mhùron n'avaient d'importance.

Elle restait libre.

Il se mit en garde, jambes fléchies.

Les poings clos et remontés à hauteur de son visage, Euridice fit un pas chassé sur le côté. Cette fois, elle attendrait que son adversaire lance les hostilités. Tahis venait de la mettre au tapis en utilisant son propre élan pour la faire passer au-dessus de son épaule et lui faire mordre la poussière. Elle avait laissé sa colère et sa frustration prendre le dessus sur son sang-froid. On ne l'y reprendrait plus.

Ils s'entraînaient depuis une petite heure dans l'enceinte de l'une des cours d'entraînement du château. Le sable rouge qui recouvrait l'intégralité du sol, amortissait les chocs et absorbait le sang des blessés – ou des morts, sans le teinter. On avait ainsi, besoin de le changer moins régulièrement.

Invisible, enveloppé dans un astucieux sort d'invisibilité, Silla Mhùron observait la scène, un fin sourire flottant son visage intrigué.

Depuis qu'il les avait délogés de leurs cellules, Mhùron laissait ses prisonniers « spéciaux » s'entraîner entre eux autant qu'ils le souhaitaient afin de les garder en bonne forme physique et mentale. De l'avis du roi Ombrien, un prisonnier frêle et souffreteux, parqué entre quatre murs gris, n'avait pas grand intérêt. Il préférait de loin que ses Gardiennes et leurs compagnons trouvent en ces combats amicaux un exutoire. Un ennemi bien traité était un allié en devenir. Ces petites joutes avaient aussi l'avantage de les garder occupés. Et celui dont l'esprit était occupé ne trouvait pas le temps de monter d'ingénieux plans afin de s'échapper. Il ne voulait pas que la clé du pouvoir de Misia Lo Gaï s'échappe. Et il savait pertinemment qu'Euridice en était capable.

Il aurait pu les tuer. Oui. Eleon lui avait bien suggéré de renvoyer la tête des deux princes à leur mère dans des coffrets ouvragés et de planter les têtes des autres sur des piques le long des créneaux de la porte Nord, mais il préférait les garder en vie. S'en faire des alliés.

La PIERRE de SANG tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant