La PIERRE de SANG tome 2

Chapitre Neuf, La mort Rouge

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— Mon filleul, j'ai une surprise pour toi ! s'exclama Silla Mhùron en ouvrant en grand fracas la porte de la petite chambre que Tillian et Gelt partageaient dans le quartier des domestiques. J'aimerais te montrer l'une de mes plus belles réussites.

En entrant, le roi s'aperçut également de la présence de Gelt et haussa négligemment les épaules.

— Ah oui... Tu viens, toi aussi.

Il était cinq heures du matin, et le soleil, faiblard, peinait à passer au travers de l'étroite et unique fenêtre de la pièce. Le froid matinal qui entrait par l'ouverture blanchissait leur souffle, rougissait leurs joues. Il s'était passé à peine quelques heures depuis que Léné avait blessé Euridice et ils avaient tous veillé sur elle jusqu'à tard dans la nuit. L'Algaël avait encore du mal à respirer et, malgré le cataplasme qu'un serviteur était venu appliquer sur sa gorge, on pouvait y voir une ecchymose violacée - presque noire - encrer sa peau, prenant peu à peu la forme des doigts du vampire.

Annabelle, quant à elle, s'était muée dans le silence, mais sous son crâne des émotions et des pensées confuses luttaient sauvagement, griffes contre crocs, faisant briller ses yeux assombris par le chagrin. Elle n'avait plus décroché un mot, encore moins un sourire depuis qu'elle avait rayé Léné de sa vie, et son frère sentait dans son propre cœur le profond désespoir dans lequel elle était en train de se noyer. Il n'aimait pas la voir si abattue : ce n'était pas dans son tempérament.

Gelt ne savait pas s'il en voulait à Léné. Quelques semaines plus tôt, s'il avait pu empaler le vampire et l'épingler à un arbre afin de s'entraîner au lancé de couteaux, il l'aurait fait avec plaisir et enthousiasme, mais aujourd'hui..., aujourd'hui, il comprenait ce qu'endurait sa sœur et combien le vampire, de son côté, devait se sentir déchiré. Il pouvait facilement transposer leur histoire sur la sienne. Il ne comprenait pas pourquoi et comment il était tombé si vite amoureux d'Eleon, qui le méprisait au moins autant qu'il l'aimait, mais espérait, au fond de lui, qu'elle n'avait pas entièrement joué la comédie et que, si elle se montrait froide et cruelle, c'est parce que c'était ce que son père attendait d'elle.

Gelt soupira quand le roi claqua d'une langue impatiente. Encore ensommeillé, mais redressé sur sa couche, il frotta ses yeux bouffis de sommeil.

— J'ai rêvé que ma mère me faisait du pain perdu aux myrtilles. (Il se rallongea, main sur le visage.) Je vais refermer les yeux en espérant qu'elle y ajoute du miel et des copeaux de chocolat. Ce sera bien plus agréable que cette vision merdique, si tôt le matin.

Mhùron, qui n'avait jusque-là éprouvé qu'un vague intérêt pour Gelt, plissa soudain les paupières, le foudroyant d'un regard mauvais.

À côté du jeune homme, Tillian frémit. Commençant à connaître le tempérament de feu de son parrain, il craignait pour la vie de son frère. Si tôt retrouvé, il n'avait aucune envie qu'un saut d'humeur de Silla lui culbute la tête d'un rai de magie pure.

— Mon parrain..., commença-t-il, d'un ton peu sûr, avant de se faire stopper net par un signe sec du roi.

Mhùron inspira longuement par le nez tandis que Gelt, toujours allongé, gardait obstinément sa position nonchalante, bras en travers des yeux. Le souverain se tourna, jeta un regard en arrière et s'écarta de l'embrasure de la porte.

Le cœur de Tillian fit un monstrueux saut dans sa poitrine et avant qu'il ne s'en rende compte, il avait déjà bondi sur ses pieds. Si Mhùron décidait, sur un coup de tête, de lancer ses gardes rouer de coup son frère, afin de lui donner une leçon qui lui ferait passer l'envie de jouer les insolents, il ne pourrait rien faire : il n'avait plus accès à sa magie. Mais il ferait tout pour se mettre en travers de leur chemin. Quitte à prendre quelques coups à sa place.