Chapitre cinq, Ou l'humour des Dieux

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***

Le souffle lui manqua soudain. L'air autour d'Euridice sembla peser plus lourd, compresser ses poumons au point de l'empêcher de respirer. Elle se sentait prise au piège. Acculée comme une brebis égarée au centre d'une meute de loups.

Tandis que sa tête lui tournait, son cœur s'emballa.

Non !

Elle ne pouvait pas... Elle ne pouvait pas être enceinte de leur ennemi. Après cette nuit... et un rapt dans les jardins aromatiques du château, elle s'était concocté une potion à base de sauge, de rue, d'armoise et d'hysope, quatre plantes aux vertus abortives. Si elle avait été enceinte, l'embryon n'aurait jamais du pouvoir grandir en elle.

Le cœur au bord des lèvres, Euridice tourna la tête vers Annabelle qui avait cessé d'éponger le sang qui coulait à l'arrière du crâne de Tahis pour la dévisager avec une stupeur mêlée d'effroi.

L'apprentie Algaël ne comprenait pas. Elle n'était pas au courant de leur arrangement. Elle ne savait pas que si elle était sortie de sa cellule et en pleine forme aujourd'hui, c'était parce que sa maîtresse avait accepté les conditions de Mhùron : son corps contre leur liberté à tous.

Annabelle, la bouche entre-ouverte, essayait de recoller toutes les pièces d'un étrange et glauque puzzle. Euridice ne doutait pas un seul instant qu'elle saurait faire le lien. Bien vite.

Elle n'avait pas eu le courage de lui dire, c'est à peine si elle l'avait vue depuis leur sortie de prison. Elle n'en avait pas eu le courage. Elle ne voulait pas que son amie sache à quel point elle était descendue bas. Elle s'écœurait déjà elle-même, et ne voulait pas retrouver l'écho de son propre dégout dans les yeux de sa petite sœur. Que devait-elle penser à cet instant ? Que devaient-ils tous penser ?

De furtives secondes, elle croisa les yeux peinés de Tahis. Elle ne lui devait rien. Ils n'étaient rien d'autre l'un pour l'autre que deux crabes en perpétuel conflit mis de force dans le même panier. Il ne pouvait rien sortir de bon de leur relation. Elle ne l'aimait pas et il l'abhorrait. Alors pourquoi ? Pourquoi avait-elle tant de mal à soutenir ses grands yeux violets frangés de blond si attristés ?

La jeune femme détourna les yeux.

Alors que le regard insistant et satisfait de Mhùron la fixait, un frisson la transperça de part en part. Elle ne supportait pas ses yeux inquisiteurs, son sourire arrogant, sa posture conquérante. Mais cette fois, elle ne détourna pas la tête. Elle voulait l'affronter, lui montrer qu'il ne l'avait pas encore brisée. Qu'il ne le ferait jamais.

Euridice se souvenait.

Elle se tient droite, les épaules en arrière, le menton fier. Elle n'a pas encore quitté les vêtements qui l'on vêtu pendant ce long mois de captivité. On ne lui en a pas laissé le temps. Lorsqu'elle a accepté les conditions du roi, des soldats vampires sortis de nulle part, l'on amenée directement dans les quartiers de leur maître.

— Ne bouge pas, lui a intimé l'un d'eux en lui agrippant violemment le menton.

Lorsqu'ils sont sortis, la laissant seule au milieux d'une chambre immense, elle n'a pas bougé.

Elle sait qu'elle aurait pu trouver un moyen de fuir, d'éviter la confrontation avec Mhùron, mais elle a trop peur que, pour la punir, il laisse son élève mourir dans sa geôle nauséabonde. Et ça, c'est au-dessus de ses forces.

La chambre, malgré sa taille, est douillette. Un lit rond recouvert de soie marine et de fourrures trône en son centre. Des voilages d'un bleu plus clair tombent du plafond tels une pluie légère et confinent l'espace du lit en un cocon de rideaux soyeux. Une baignoire en marbre noir strié de blanc s'épanouie dans un coin, derrière d'autres voilages arachnéens. Un bureau sombre couverts de livres et de parchemins attend le retour de son propriétaire. Une lourde armoire sert de garde de robe et des tapis dispersés sur le sol en pierre, l''habillent d'un fabuleux camaïeu de bleu. Enfin, la pièce est illuminée par un lustre aussi majestueux qu'imposant composé d'une centaine de sphères en verre habitées par des lucioles. L'objet donne à l'ensemble une atmosphère riche mais feutrée.

La PIERRE de SANG tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant