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L'anniversaire de la princesse approchait et il aurait fallu être aveugle pour ne pas le remarquer. L'effervescence qui animait le château à une semaine de la fête était bouillonnante. Les aliments voués à garnir le gargantuesque banquet qui s'annonçait arrivaient pas charrettes entières. Bœufs, montons, porcs vivants étaient destinés par dizaines aux abattoirs. Dans les nids des araignées d'Icarias, les tisseuses filaient la soie la plus fine et, dans les ateliers de couture, les artisans travaillaient nuit et jour afin d'honorer leurs trop nombreuses commandes. Orfèvres et Tanneurs n'étaient pas laissés pour compte, car c'était à celui qui porterait les plus beaux souliers et les parures les plus chatoyantes pendant les trois jours que dureraient les festivités. Après tout, Ombria n'avait qu'une seule princesse et elle n'avait pas tous les jours dix-huit ans.
Annabelle profita d'une accalmie pour répartir sa masse d'un pied sur l'autre. Elle était debout depuis deux bonnes heures, et n'avait pas encore eu l'occasion de s'asseoir.
— Ne trouves-tu pas que cette robe me grossit un peu ?
L'apprentie Algaël, les bras chargés d'étoffes, croulant presque sous leur poids, se retint de hausser un sourcil. Eleon devait peser tout au plus quarante-cinq kilos et ses fines chevilles semblaient tout juste assez solides pour la maintenir sur ses pieds. Donc, non, elle aurait pu s'habiller d'une toile de jute grossière ficelée à la taille qu'elle n'aurait pas parue grosse.
Tout comme son père, elle était sublime. À la différence que ses yeux marron étaient plus souvent animés par la malice que par le calcul et la cruauté.
Eleon s'était positionnée devant un haut et large psyché et tournoyait dans sa robe fluide en mousseline noire, lançant des sourires entendus à son reflet. Ses longs cheveux blancs ondulés et défaits créaient un contraste saisissant avec sa peau brune, mais sa robe, bien que somptueuse ne la mettait pas en valeur. Pour faire ressortir le hale naturel de son teint, il aurait fallu qu'elle porte des couleurs claires, et non pas du noir.
— Elle serait parfaite pour un enterrement, se contenta de répondre Annabelle.
— C'est la couleur donc ? Très bien, donne-moi la jaune, je vais l'essayer.
Elle s'exécuta, et, sans perdre de temps à s'installer derrière un paravent, Eleon se déshabilla, troquant une robe pour une autre.
— Aide-moi avec les lacets, veux-tu ?
Une nouvelle fois, Annabelle obéit sans discuter. La robe qu'elle laçait dans le dos de la princesse était une merveille. D'un jaune doux, très pâle, son bustier épousait à la perfection la poitrine de la jeune fille, faisant ressortir le renflement de ses seins. Piqueté de perles d'eau douce et d'éclats de cristaux, le corset - scintillant comme un joyau - était lacé dans le dos par un ruban de satin. Le bas de la robe était composé d'une succession de trois rangs de soie si fine qu'elle voletait autour de ses chevilles à chacun de ses mouvements. Le résultat était époustouflant.
— Eleon..., commença Annabelle sans réellement savoir si elle devait se confier à la fille de son ennemi.
Sans quitter son reflet, la jeune fille, lui fit distraitement signe de poursuivre.
— J'ai peur pour ta vie.
— Sottises ! Qui serait assez fou pour en vouloir à la princesse d'Ombria ?
— Ton père.
Eleon fit volte-face si vite qu'Annabelle eut juste le temps de faire un pas en arrière avant d'être bousculée.
— Fais terriblement attention à ce que tu vas dire, Annabelle. Terriblement...
— Écoute... Nous avons découvert un journal. Celui du premier Algaël, dans lequel il donne la clef pour faire fonctionner la Pierre de Sang. Aujourd'hui, c'est ton père qui le détient.
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La PIERRE de SANG tome 2
FantasyAnnabelle, Euridice et leurs compagnons de quête ne l'ont pas vu venir... Tombés dans le piège que leur a tendu Silla Mhùron, ils tenteront l'impossible pour s'évader. Ils n'ont qu'un seul objectif : survivre afin que Misia Lo Gaï ne reste pas entre...