Chapitre Sept (Bis), Lorsque les cœurs ne battent plus à l'unisson

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Ses crocs bien visibles et étincelants sous les dernières lueurs du coucher de soleil, Léné grogna de fureur.

— Ça te va bien de jouer les moralisatrices, lâcha-t-il comme un venin, entre ses dents serrées. N'es-tu pas devenue toi-même, la chienne de Mhùron, Euridice ? Qui, de nous deux, écarte les cuisses, hein ?

L'Algaël ouvrit la bouche, mais seuls des sons fluets et vides de sens sortirent de sa gorge entravée.

— Lâche-là !

Annabelle tira frénétiquement sur sa chemise noire, mais il ne bougea pas d'un pouce, ses pieds bottés solidement ancrés au sol.

C'en était presque risible ; une humaine essayant de déloger un vampire à mains nues. S'il n'avait pas été dans une telle rage, Léné en aurait presque souri, et gratifié Annabelle d'une tape moqueuse sur le haut du crâne. Mais pour le moment, seule sa colère dictait ses actes. Sa vision opacifiée par un voile rouge, il sentait la bête en lui gronder et resserrer inexorablement ses doigts autour de la nuque de l'agaçante seconde humaine.

C'est cette même bête qui avait planté ses crocs dans la chair tendre d'Annabelle. Mais il serait hypocrite de dire que sa raison était complètement oblitérée dans ces moments-là ; elle faisait seulement un pas en arrière, regardant avec délectation, ses désirs et ses pulsions prendre le dessus, et ça, en toute connaissance de cause.

Une main se plaqua contre son visage, tentant de le repousser. Il s'écarta agacé.

— Tu sais bien qu'elle ne peut pas rivaliser avec toi ! Ne joue pas avec sa vie, Léné !

— Mais je ne joue pas, je suis mortellement sérieux.

Euridice, le visage cramoisi et le souffle réduit à un mince filet salvateur, agrippait la main qui la maintenait suspendue, tentant vainement d'en écarter les doigts.

Son élève, de son côté, labourait désormais le dos et l'épaule du vampire de ses poings. Mais elle s'épuisait et s'époumonait dans le vent : un bloc de granit aurait été plus malléable.

— Léné ! Je t'en prie ! Si tu as éprouvé, ne serait-ce, qu'un début d'affection pour moi, relâche-là ! Tu vas la tuer !

Mais les prunelles cramoisies de Léné brillaient d'une lueur animale. Ses doigts se resserrèrent sur la gorge d'Euridice qui suffoqua un peu plus.

— Léné... pitié...

Annabelle, des larmes d'impuissance vallonnant ses joues, se pencha et, glissant sa main dans sa bottine, en ressortit un poignard. Mhùron, sûr de lui et de sa magie d'entrave, les laissait tous porter des armes. Qu'importe l'outil s'ils ne pouvaient s'en servir.

Lorsque la pointe de la lame vint piquer la carotide du vampire, il tourna la tête vers la jeune femme et haussa un sourcil moqueur.

— Non seulement je ne crains pas les lames ordinaires, mais je te rappelle que ton cœur explosera avant que tu ne réussisses à me perforer la peau. Tu mourras et je n'aurais rien senti de plus qu'une piqûre d'insecte. Ça en vaut la peine, d'après toi ?

— Si tu avais, ne serait-ce que, l'ombre d'un début de sentiment dans ton cœur figé, tu saurais que oui.

Il sembla sincèrement surpris.

— Tu mourais pour elle ?

Annabelle hocha simplement le menton, ses iris vibrants d'une volonté qui n'échappa pas au vampire.

La PIERRE de SANG tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant