Tahis hoqueta.
Il dévisagea la jolie Déesse sans comprendre, puis ses prunelles violettes glissèrent vers son estomac où le manche d'un couteau dépassait.
Sefyr se pencha sur lui avec une grimace satisfaite qui jurait horriblement sur son visage doux. La main gauche posée avec délicatesse sur son épaule, elle enroula l'autre autour de son arme et la tira brusquement en arrière, arrachant un cri de douleur à l'elfe qui se plia en deux sous la violence du choc. Une projection cramoisie souilla la pierre grise de la cache sur plusieurs pas.
Lorsque la lame ressortit de son ventre, Tahis eut l'impression qu'on le poignardait de nouveau. Il n'avait jamais eu peur de mourir ni mal au point d'en pleurer, mais ce jour était, semble-t-il, arrivé. Sa gorge éructa un son caverneux, incapable de mettre des mots sur l'indescriptible.
Sous son habit de sang, la lame dans le poing de son bourreau était en bon vieil acier. Derrière la souffrance, son esprit pratique s'éveilla et il fronça la ligne fine de ses sourcils blonds. La déesse suivit son regard puis répondit à la question qui s'était suspendue – faute de réussir à l'exprimer – à ses lèvres.
— À Nek'vör, tu n'es plus un immortel. N'importe quelle lame peut te tuer, fils d'Eléfène. Mon cher et tendre Cal aurait-il oublié de te le préciser ?
La bouche de Tahis articula une plainte inaudible tandis que Sefyr se mettait à marcher de long en large devant lui, le couteau roulant autour de ses doigts graciles comme une plume d'écriture en attente d'inspiration.
— Je suis désolée que ça ait dû tomber sur toi. Vraiment. Mais j'avais besoin que l'un des deux hérauts meure. C'était toi ou le fils de Vanyre. J'ai perdu sa trace, et tu étais à ma portée.
Tahis vacilla sur ses jambes. Les quelques pas qu'il fit en arrière le plaquèrent contre le mur circulaire de la citerne. Le choc lui coupa un peu plus le souffle.
— Tu comprendras aisément que je ne peux prendre le risque que Cal récupère Misia Lo Gaï, n'est-ce pas ?
— Je... je ne... 'prends p...pas. Qui... ?
— Comment ? fit la déesse en tendant l'oreille. Tu devrais sérieusement songer à articuler, fils d'Eléfène. Je ne déchiffre pas un traître mot de ce que tu baragouines.
Dans un geste vif, elle planta son arme dans le bois d'un meuble écritoire, le faisant sursauter, puis plaqua ses poings sur ses hanches fines, pleine d'une assurance et d'une autorité qui tranchait avec son apparence fluette.
— Alors ?
— Qui... qui êtes-vous ? réussit-il à articuler, la bouche sèche.
De ses paumes, Tahis tentait tant bien que mal d'engorger le flot de sang qui s'échappait de sa blessure. Un geste vain, il le savait ; il sentait déjà sa vie lui filer entre les doigts.
Sefyr l'observait comme une curiosité. Elle ne répondit pas : les morts emportaient leur savoir avec eux, alors pourquoi se donner cette peine ? Du bout des ongles, elle ôta une poussière chimérique de son corsage.
— Sefyr, ma douce, mon amour, qu'as-tu fait ?
La déesse dressa la tête à l'appel de son prénom ; Cal se tenait devant la grille, agrippé aux barreaux ouverts comme s'il avait besoin de s'y amarrer afin de rester debout.
Elle lui sourit. Ce sourire n'avait rien de déplacé. Au contraire, il avait l'air si vrai que Tahis en eut un frisson avant de glisser le long du mur, ses jambes ne supportant plus son poids. Les deux êtres célestes l'ignorèrent. Sa prise sur son estomac se resserra ; il devait gagner le plus de temps possible.
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La PIERRE de SANG tome 2
FantasyAnnabelle, Euridice et leurs compagnons de quête ne l'ont pas vu venir... Tombés dans le piège que leur a tendu Silla Mhùron, ils tenteront l'impossible pour s'évader. Ils n'ont qu'un seul objectif : survivre afin que Misia Lo Gaï ne reste pas entre...