Chapitre Vingt-Neuf, Sandwich et don du sang

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***

Gelt attrapa sa sœur au vol, lui évitant une rencontre assommante avec le sol en pierres. Posant sa tête blonde contre sa poitrine, il la berça tandis que son regard filait vers le sombre boyau par lequel la princesse venait de s'échapper en titubant. Tiraillé entre sa peur viscérale d'avoir perdu Eleon, sa colère à l'encontre d'Annabelle qui avait choisi d'attaquer avant de poser les questions, et son inquiétude à son sujet, il resta un moment immobile, les yeux plongés dans le vide. Seuls ses doigts bougeaient, caressant les boucles sales et emmêlées de sa petite sœur. Contre lui, Annabelle frissonna brusquement, signe que, si elle n'était pas dans un bon état général, elle était encore en vie. Tant bien que mal, il l'enveloppa plus étroitement dans la cape qui la recouvrait. Alors qu'il replaçait le tissu sur son épaule, il s'inquiéta de la pâleur de sa peau au hâle habituellement doré.

— G...Gelt ?

— Oui, Anna. Je suis là, je ne bouge pas. Ne parle pas, d'accord ? Économise tes forces.

Un vague hochement de tête contre son torse lui apprit qu'elle avait entendu.

Il embrassa le haut de son crâne et y laissa appuyer ses lèvres, réfléchissant. Sans sa magie, il ne pouvait pas diagnostiquer son mal. Était-elle en plein choc après une guérison trop rapide et trop agressive ? Car si la magie était un outil extraordinaire, mal utilisée, elle pouvait s'avérer fatale.

Que devait-il faire ? La transporter dans un endroit plus sûr ? Rester ici et attendre la cavalerie ? Pour autant qu'il le sache, ils pouvaient bien s'être tous fait tuer dans l'opération. Et la prochaine escouade de vampires qui passerait la porte du petit salon finirait le travail avec les deux derniers survivants de leur groupe.

Dans tous les cas, il était sûr d'une chose : avec son hörr qui battait de nouveau sa poitrine, le laissant sans son loup et sans magie, il ne pouvait pas rester désarmé. Ni nu. Mais les deux allaient normalement de pair.

Déposant délicatement Annabelle sur le sol et l'installant le plus confortablement possible, il entreprit de se rhabiller avec le pantalon, la chemise et les bottes à boucles de l'un des cadavres. Bien que le tissu fût taché de sang et déchiré sur le col, il ferait l'affaire. Engagés comme ils l'étaient, il ne pouvait pas faire la fine bouche sur les frusques qu'il avait sur le dos. Il récupéra également deux poignards, les glissant dans ses bottes et un ceinturon orné d'une épée courte qu'il boucla sur sa taille.

Lorsque des pas résonnèrent dans la salle de bal attenante, il dégaina. Hörr, ou non, il allait chèrement vendre sa peau. Sans bruit, il se dirigea vers la porte et se plaqua contre le mur, se dissimulant aux yeux des soldats qui y entreraient. On lui avait appris, lors de son entraînement de Lame, que la surprise avait tendance à affûter l'arme de celui qui en était l'instigateur. Aujourd'hui était donc le jour de la pratique. Lorsque le premier homme passa la porte, il lança son épée dans le but de l'embrocher juste sous son bras armé.

Mais son coup ne porta pas.

Comme s'il avait su d'où viendrait l'attaque, l'homme s'était fendu d'une parade, pivotant sur lui-même puis plaçant sa seconde lame sur la gorge de Gelt. Ce dernier leva haut le menton afin d'éviter le mordant de l'acier.

— Allons bon, l'ami ! On découpe ses alliés, maintenant ? railla un homme blond, d'une trentaine d'années qui lui souriait sous sa moustache impeccable comme s'il le connaissait.

Lui était sûr de ne pas le reconnaître, mais le mot « alliés » n'avait rien pour lui déplaire. Reculant d'un pas afin de se mettre hors de portée, il baissa son épée en un pacte tacite de non-agression. L'homme rengaina à son tour dans les deux fourreaux de son ceinturon puis redressa la tête. Il le dévisagea un instant, s'arrêtant sur la couleur si peu commune de ses yeux de magicien.

La PIERRE de SANG tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant