Annabelle n'écoutait pas les cris dans son dos qui l'appelaient. Elle n'entendait que les pulsations de son cœur qui battaient ses tempes au rythme de ses larges foulées et les murmures de la brise qui l'accompagnaient dans sa course. Sa longue jupe fouettait l'air, faisant claquer sa mousseline sur ses cuisses, parant son sillage d'un voile astral.
Le vent semblait la porter, la faire courir plus vite comme s'il voulait la voir auprès d'Euridice. Elle se laissa guider, bandant ses muscles, suivant une ligne invisible, concentrée sur son seul objectif.
Elle sauta par-dessus un tonneau éventré, ramené sur la plage de Tea'Nhone par les courants qui encadraient l'île des dieux. Déjà, elle percevait l'entrée du tunnel.
« J'arrive, ma sœur. Tiens bon. »
On lui crocheta les jambes et elle s'étala à plat ventre sur le sable, s'égratignant les paumes et le menton. À peine eut-elle retrouvé son souffle qu'elle rua et envoya un coup de pied dans l'épaule de son adversaire. Il lâcha un grognement grave, mais ne se décramponna pas pour autant.
— Lâche-moi, Léné !
Elle griffa le sol afin de s'y amarrer, mais ne réussit qu'à se blesser les ongles. Jurant comme un démon, elle se retourna afin de lui faire face. Elle pourrait ainsi l'éloigner d'une poussée de jambes, pensa-t-elle.
Le vampire prit vite le dessus sur l'humaine, lui immobilisant le bas du corps en s'asseyant dessus, et les poignets en les emprisonnant dans ses mains. L'apprentie comprit rapidement qu'elle n'aurait jamais la force nécessaire pour repousser son immortel amant. Même son bagage d'Algaël ne lui permettait pas de se soustraire à la force décuplée d'un vampire centenaire.
Ses boucles blondes fouettèrent l'air tandis qu'Annabelle balançait les épaules et secouait la tête. Elle ne faisait peut-être pas le poids, mais elle lui donnait du fil à retordre. Certains de ses coups vicieux firent mouche, accueillis par des grognements et des grimaces de douleur.
— Il faudra me passer sur le corps avant que je te laisse courir, tête baissée, vers une mort assurée !
L'apprentie s'immobilisa puis le fusilla du regard.
— Lâche-moi, répéta-t-elle avec lenteur.
— Non.
— Si elle meurt, je ne te pardonnerais jamais, tu m'entends ? Jamais !
Chacun de ses mots lui arrachait la gorge. Pourtant, elle savait au fond d'elle que c'était la vérité. Pure et douloureuse.
— Si tu meurs en essayant de la sauver et si K'tëzs s'empare de Misia Lo Gaï par ta faute, c'est le monde qui ne te le pardonnera jamais ! Réfléchis, bon sang !
Mais Annabelle ne voulait – ne pouvait – pas réfléchir sereinement alors que sa sœur et son bébé étaient tous les deux prisonniers du dieu du chaos.
— Lâche-moi ! Je te déteste ! Je te déteste ! répéta-t-elle, encore et encore.
— Déteste-moi autant que tu veux, Petit Chat. Je te préfère haissante et en vie plutôt qu'aimante et morte.
Elle se débattit de plus belle. Mais une nouvelle paire de bras virent en aide à celle du vampire. On lui plaqua les épaules dans le sable. Elle grimaça lorsque sa peau rencontra le tranchant d'un coquillage brisé.
— Annabelle ! Écoute-moi ! Tu ne peux pas te ruer au secours d'Euridice sans réfléchir ! cria Gelt au-dessus d'elle.
— Lâchez-moi ! Tous les deux !
— Anna ! Tu es la Gardienne de Misia Lo Gaï ! Euridice t'a remis la pierre pour que tu la protèges, non pas pour que tu la jettes entre les griffes de K'tëzs !
VOUS LISEZ
La PIERRE de SANG tome 2
FantasyAnnabelle, Euridice et leurs compagnons de quête ne l'ont pas vu venir... Tombés dans le piège que leur a tendu Silla Mhùron, ils tenteront l'impossible pour s'évader. Ils n'ont qu'un seul objectif : survivre afin que Misia Lo Gaï ne reste pas entre...