Chapitre Neuf (Bis), La Mort Rouge

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***

— Je vais te raconter une petite histoire, et tu vas ouvrir grand tes oreilles, se contenta de répondre Silla.

Un claquement de doigts, et les gardes disparurent derrière la porte de métal, gardant l'entrée et leur laissant un peu d'intimité.

Tillian se demanda s'ils ne pourraient pas en profiter pour tenter... Non, tant que leurs dispositifs seraient en place, ils ne pourraient rien contre Mhùron.

Le roi s'écarta ensuite du puits, et se rapprocha de sa fille. Du bout du majeur, il lui caressa doucement la joue, l'embrassa sur le front, puis se détourna pour de nouveau faire face aux deux princes.

— Pourquoi penses-tu que j'ai créé la Mort Rouge, Tillian ? Pourquoi ces raids contre tes villages côtiers ? Pourquoi cette volonté de faire plier ton Royaume ? Ta mère ?

Le jeune homme recula de quelques pas, emportant son frère avec lui. Il ne voulait plus voir ces corps à l'agonie. Les entendre supplier et gémir était déjà bien au-delà de ses forces.

— Tes raisons m'importent peu. Ce sont tes actes, les seuls juges. Des actes barbares et sans fondement.

— Tu ne veux donc pas savoir ? C'est dommage, j'allais vous raconter une merveilleuse histoire d'amour.

Les jumeaux restèrent muets, les râles résonnant à leurs oreilles.

— Bon, je me lance ! (Silla Mhùron se tourna vers sa fille) Écoute bien, ma princesse, c'est une histoire que je ne t'ai jamais racontée, mais dont tu es l'aboutissement.

« Il était une fois, un jeune prince de tout juste quinze ans qui alla passer une année dans un Royaume voisin afin d'apprendre les ficelles de son futur métier au côté de puissants souverains. Il faut savoir que de telles traditions étaient monnaie courante à l'époque entre ces deux Royaumes alliés. Mais passons.

« Le roi et la reine avaient une fille de deux ans son aînée. Cette jeune princesse s'appelait Louve. Louve Elanora Roy'Quin.Vous voyez de qui je parle, n'est-ce pas, les garçons ?

Tillian et Gelt, le visage fermé, se contentèrent de plisser les yeux.

— Bien, reprit Mhùron en faisant le tour de la trappe, bien. Cette princesse, en plus d'être belle à s'en damner, était aussi une fabuleuse magicienne, et le jeune prince de ce Royaume voisin en tomba immédiatement et irrémédiablement amoureux.

« Après quelques mois à lui faire une cour acharnée et passionnée entre deux leçons, elle succomba et tomba à son tour amoureuse du garçon. Ils se promirent mille amours. Ils se jurèrent fidélité et l'union, par leur propre mariage futur, de leurs deux Royaumes si riches et prospères.

Mhùron fit une pause dans son récit, ses poings serrés, crépitaient d'une magie contenue. À ce moment-là, Tillian comprit réellement que ce jeune prince tombé amoureux de sa mère n'était autre que Mhùron lui-même.

Alors c'était cela ? Ce bâtard dégénéré avait créé la Mort Rouge afin de se venger d'un vague amour de jeunesse ? Comment pouvait-on être assez fou pour en venir à de telles extrémités ?

— Ma mère vous a rejeté pour s'unir à mon père et vous vous êtes vengé des années plus tard, ruminant votre orgueil blessé ?! Vous n'êtes qu'un...

Soudain, Tillian sentit une pression sur sa gorge et ses mots refusèrent obstinément d'en sortir comme coincé par l'air devenu trop dense.

Mhùron n'avait pas eu besoin d'incanter, il avait seulement levé l'une de ses mains.

La PIERRE de SANG tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant