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Les jambes de Léné étaient comme moulée dans du mortier. Plus il s'attardait auprès d'Annabelle, plus le chemin du kiosque lui paraissait impossible à rebrousser. Il savait que son premier pas serait le plus dur. Le reste suivrait. Il fallait simplement l'entamer.
Il s'apprêtait à partir, ses doigts encore entremêlés à ceux d'Annabelle, quand une silhouette ondula entre deux colonnes. Lorsque la voix qui l'accompagnait carillonna jusqu'à eux, il savait déjà sans l'ombre d'un doute à qui elle appartenait : il avait déjà expérimenté ce sentiment de se consumer sous le frisson hardent qui lui léchait soudain la peau.
— Je comprends ce qui t'anime chez elle, mon bel enfant. Le feu qui brûle en elle attirerait, même en plein jour, jusqu'au plus craintif des papillons de nuit.
D'un geste aussi instinctif que défensif, Léné se plaça entre sa Déesse et Annabelle. Mais Vanyre n'approcha pas plus. Sa longue chevelure de feu sombre parrait les frondaisons des arbres d'une touche chatoyante et sa robe courte dévoilait des jambes fines qui scintillaient comme deux rayons de lune dans la pénombre du jardin. Sa posture détendue n'avait rien de menaçant, bien au contraire, pourtant le regard qu'elle porta sur Annabelle le dérangea.
Léné était certain qu'elle n'avait rien loupé de leurs retrouvailles passionnées. Chaque caresse, chaque regard, chaque souffle manqué, chacun des mots qu'ils avaient échangés, elle les avait épiés. S'il avait été plus humain, il en aurait rougi, mais il était un vampire – comme elle – et les vampires n'avaient pas honte du sexe, aussi intime fût-il. Vanyre les avait observés comme un artiste qui déploie sur sa toile son œil d'esthète. Elle les avait admirés pour la beauté empreinte de sauvagerie qui les avait laissés pantelants et étourdis, fondus l'un dans l'autre. Elle les avait contemplés comme elle le faisait désormais, plongée dans les prunelles dissemblables d'Annabelle, incapable – ou refusant – de reprendre sa respiration.
— Tu revenais vers moi, n'est pas, Léné Say'On ? demanda-t-elle avant d'enchaîner, sans se soucier de la réponse qu'elle connaissait déjà. Elle te l'a demandé. Parce que vous avez désespérément besoin de mon sang. Je ne vous demanderai pas pourquoi, je m'en moque. S'il t'en faut, je t'en donnerai. Mais... puisque tu m'as fait attendre, j'ai une condition supplémentaire à notre petit arrangement...
Léné n'aimait pas le ton liquoreux de la Déesse ni sa façon de dévorer Annabelle des yeux comme si elle se demandait si sa peau serait aussi douce et son sang aussi juteux que les nectarines de son verger. Il n'aimait pas ça, mais, plus que tout, il avait peur. Parce que si Vanyre décidait de lui prendre Annabelle de force, il n'était pas certain d'avoir le dessus. Après tout, la Sombre Déesse avait plusieurs millénaires de plus que lui.
Il resserra sa prise sur la main d'Annabelle. Le couperet tomba comme la hache d'un bourreau :
— Elle boira de mon sang.
Un feulement rauque lui répondit.
— Du calme, mon enfant sauvage. Elle restera tienne. Qui suis-je pour séparer ce qui ne peut pas l'être ? Mais je vous veux. Tous les deux.
Comme si sa précédente phrase avait pu leur laisser le moindre doute quant à ses intentions, Vanyre précisa – dans un sourire si emprunt de sensualité qu'Annabelle du répimer un mouvement vers elle :
— Nous ferons l'amour et vous aurez de mon sang.
Mais Léné n'était pas prêt à laisser la situation lui échapper.
— Pourquoi ? Qu'est-ce que ça vous apporte ?
Vanyre sourit comme pour féliciter la méfiance bien acquise du vampire. Afin de se procurer ce qu'elle était venue chercher, elle était prête à une pleine transparence.
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La PIERRE de SANG tome 2
FantasyAnnabelle, Euridice et leurs compagnons de quête ne l'ont pas vu venir... Tombés dans le piège que leur a tendu Silla Mhùron, ils tenteront l'impossible pour s'évader. Ils n'ont qu'un seul objectif : survivre afin que Misia Lo Gaï ne reste pas entre...