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Louve vacilla.
Mais avant qu'elle ne trébuche sur ses propres pieds, les bras puissants du commandant des Lames Rouges s'enroulèrent autour de ses épaules et la maintinrent debout. Épuisée, elle se laissa aller contre le pectoral d'acier et de cuir du géant et posa sa tête si lourde contre son épaule. Son teint était cireux, ses yeux, d'habitude brillants, semblaient éteints et ses cheveux bruns, malgré de longues minutes à tenter de les discipliner, rebiquaient en mèches folles autour de son visage amaigri.
— Ma reine..., commença le soldat d'une voix inquiète, quoique légèrement réprobatrice.
— Oui, je sais, Commandant, souffla-t-elle, ses mots rendus à peine audibles par l'épuisement. L'Anamora puise dans mes maigres réserves et...
— ... Et il en est que c'est devenu trop dangereux pour votre santé ! Nous pouvons encore faire demi-tour.
— Et laisser mes deux enfants prisonniers de ce boucher ? Jamais ! Je préfère mourir en essayant de les sauver plutôt que de laisser à Mhùron la clef de mon Royaume !
— Ma reine..., tenta-t-il de nouveau.
Le visage pâle, mais les yeux soudains flamboyants, la reine centralienne se redressa et fit face à l'homme qui devait la surplomber de près de deux têtes.
— Ne me dites pas ce que je dois faire, Commandant. Vous êtes un soldat émérite et un conseiller avisé, mais je suis votre reine. Ne discutez plus mes ordres.
Le commandant recula d'un pas, touché, malgré lui, par les paroles de sa souveraine. À voyager comme des compagnons et à dormir à la belle étoile, serrés les uns contre les autres, autour d'un feu de camp, on en oubliait presque que le monde était régi par des règles et une hiérarchie bien précises. Il était devenu trop familier avec sa reine. Elle avait raison, et l'on ne l'y reprendrait pas à deux fois.
— Me suis-je bien fait comprendre ? insista-t-elle, ignorant son conflit intérieur.
En soldat dévoué, Aram hocha la tête.
— Bien.
Le dos droit, elle marcha au centre du chemin qui coupait les verdoyantes collines ombriennes en deux et s'y arrêta.
Après l'épisode de l'enfant spectre, ils avaient fait galoper leurs montures jusqu'à l'épuisement se rendant, en moins de vingt-quatre heures, au port d'Effrit, où un bateau de contrebande les attendait. Le capitaine, recruté par Vania et ses contacts inépuisables, avait accepté de les faire passer et d'oublier jusqu'à leur existence lorsque la traversée serait conclue en échange d'une bourse bien pleine et d'une faveur future de l'Algaël. Quelle qu'elle soit, au regard de la lueur de convoitise qui avait brillé dans les prunelles du capitaine, il n'était pas difficile de deviner qu'elle serait chère à payer. Mais tous les sacrifices en valaient la peine et il avait accepté sans rechigner.
Le voyage en mer s'était déroulé sans accroche à la surprise générale. Après leurs dernières mésaventures, les compagnons s'attendaient presque à voir surgir des eaux sombres l'une de ces créatures de cauchemar aux larges et mortels tentacules. La déception s'était presque lue dans les iris de Dukan Briss'Eroül - le mercenaire qui les suivait depuis l'attaque de la caravane - lorsqu'ils avaient accosté. Une bonne bagarre avec un Kraken géant, ça avait de quoi enrichir des Mémoires de soldat.
Ils avaient accosté de nuit, sous un ciel si nuageux qu'il s'était teinté de plomb. À près d'un kilomètre des côtes ombriennes, une barque avait été mise à l'eau afin de leur faire rejoindre les côtes.
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La PIERRE de SANG tome 2
FantasyAnnabelle, Euridice et leurs compagnons de quête ne l'ont pas vu venir... Tombés dans le piège que leur a tendu Silla Mhùron, ils tenteront l'impossible pour s'évader. Ils n'ont qu'un seul objectif : survivre afin que Misia Lo Gaï ne reste pas entre...